Expérimenter la vaccination contre la grippe, dans les pharmacies, durant 3 ans. Telle est le projet de la profession présenté par l’Ordre des pharmaciens le 4 octobre, et qui n’a pas tardé à faire réagir les médecins.
Deux jours plus tard, le syndicat des médecins généralistes MG France suggère de « mettre à disposition, chez le médecin traitant, un lot de vaccins antigrippaux, au prorata du nombre de ses patients concernés, sur le modèle de ce qui est fait pour les tests de dépistage du cancer du côlon ». Pour le syndicat, « cette mesure simple, complémentaire au travail des infirmières et en bonne articulation avec les pharmaciens qui pourraient participer à la gestion de ce stock, permettrait d’améliorer rapidement la couverture vaccinale ».
Le débat est ailleurs
Le Dr Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France (FMF), manifeste lui aussi son désaccord avec la vaccination à l’officine. Selon lui, autoriser la vaccination par les pharmaciens n’est pas une priorité. « À l’heure où de plus en plus d’officines ferment, on devrait donner au pharmacien les moyens de rester sur le territoire et de continuer à assurer une sécurité sanitaire, plutôt que de le faire changer de métier, explique-t-il. Ce n’est pas en multipliant leurs missions que leur situation économique va s’améliorer. »
Par ailleurs, Jean Paul Hamon doute que cette mesure permette d'améliorer la couverture vaccinale. « Le véritable enjeu consiste à redonner confiance à la population dans les vaccins, confiance érodée depuis la campagne H1N1 en 2009. Pour cela, il faut établir un calendrier vaccinal simple et lisible, qui se limite aux vaccinations indispensables », propose-t-il. Le constat est le même pour le Dr Luc Duquesnel, président de l'UNOF-CSMF : « La couverture vaccinale est dramatiquement basse en France, mais ce n'est pas en autorisant la vaccination par le pharmacien que les choses vont changer. On regarde la problématique par le petit bout de la lorgnette. Avant tout, c'est en informant les patients sur l'importance de vacciner que l'on va augmenter la couverture. Ensuite, c'est en montrant l'exemple et en se faisant vacciner soi-même. Or les pharmaciens sont à peine 25 % à être vaccinés contre la grippe. Enfin, c'est en instaurant un dossier médical partagé, qui nous informe de l'état vaccinal de chaque patient, que nous pourrons avancer sur la vaccination », relève Luc Duquesnel.
La carte de l’interprofessionnalité
À l’inverse de ses confrères, le Dr Éric Henry, président du Syndicat des médecins libéraux (SML), n’est pas opposé à la vaccination par les pharmaciens, mais selon les besoins de chaque territoire, au cas par cas, et en concertation avec les autres professionnels de santé. « Ce n’est pas aux pharmaciens d’imposer la vaccination en officine. En revanche, pourquoi ne pas organiser des rencontres entre professionnels de santé sur chaque territoire, afin de considérer les moyens d’étendre l’offre de vaccination ? Dans certaines zones, ce seront les médecins et les infirmiers qui vaccineront, et dans d’autres régions moins bien dotées en médecins, ce geste pourrait, pourquoi pas, être confiée aux pharmaciens », avance le médecin.
Mais au total, derrière ce nuage d’arguments avancés par les différents syndicats de médecins, n’y aurait-il pas d'autres raisons à cette levée de boucliers ? La vaccination est installée de longue date dans le pré carré des médecins. Peut-être aussi, le geste de prévention est-il chargé d'une valeur symbolique jugée intouchable par les prescripteurs.
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