En France, l'iatrogénie médicamenteuse est responsable chaque année de près de 10 000 décès et de 130 000 hospitalisations, dont 40 à 70 % seraient évitables. Si tous les Français sont potentiellement concernés, l'iatrogénie concerne particulièrement les personnes âgées, non seulement à cause du vieillissement de l'organisme, mais aussi car beaucoup prennent régulièrement plusieurs médicaments, dans le cadre de leur traitement.
La loi de financement de la Sécurité sociale de 2018 autorise l'expérimentation de nouvelles organisations et processus dans le domaine de la santé. C'est de là qu'est né le projet IATROPREV, soutenu par l'ARS Hauts-de-France et la CNAM. Le projet compte aujourd'hui autour de 115 patients, dont les premiers ont été inclus en février 2021, et devrait se poursuivre jusqu'en 2024.
« Nous nous sommes rendu compte que les patients en gériatrie prennent en moyenne 9 traitements lorsqu'ils arrivent à l'hôpital. Quand ils en sortent, ils suivent toujours 9 traitements en moyenne, mais la moitié d'entre eux ont été modifiés », explique Jean-Baptiste Beuscart, coporteur du projet IATROPREV et praticien hospitalier en gériatrie gérontologie.
Des événements particulièrement communs dans le parcours de soins des patients. Certains traitements sont remplacés par d'autres plus appropriés aux infections dont souffrent les patients, tandis que d'autres présentent de forts risques iatrogènes. Le suivi du patient n'est pas l'œuvre d'un seul professionnel de santé, mais de plusieurs, généralement son médecin traitant, son pharmacien de ville, ainsi que le personnel hospitalier. Et transmettre les informations des uns aux autres est chronophage et peu aisé.
Fluidifier la transmission d'informations
« Nous avons mis en place des procédures clarifiant la transmission d'informations entre professionnels », reprend Jean-Baptiste Beuscart. Les coordinateurs
IATROPREV proposent aux patients hospitalisés en gériatrie d’être inclus dans le dispositif de suivi, puis contactent son médecin traitant et son pharmacien d’officine attitrés pour organiser les échanges. Les ajustements thérapeutiques sont préparés et proposés par l’équipe hospitalière sur la base d’un bilan approfondi, puis ajustés et validés collectivement lors d’une réunion de concertation pluri-professionnelle.
Durant les 3 mois suivant leur sortie, le médecin traitant et le pharmacien d’officine assurent la mise en œuvre et le suivi de ce plan pharmaceutique en ville, en lien avec le gériatre si besoin. Un entretien d'une demi-heure tous les mois avec le patient permet de surveiller l'effet aigu des traitements sur sa santé, et de réagir en cas de problème. Si le patient fait une iatrogenèse médicamenteuse et se retrouve hospitalisé, il est directement traité par le service de l'hôpital, sans avoir à passer par les urgences.
Un système interprofessionnel
« L'intérêt de ce système, c'est que les pharmaciens et médecins peuvent partager avec nous leur expérience et leur point de vue. On atteint un équilibre où se conjuguent les expertises ambulatoires et hospitalières, ce qui nous permet de nous concerter sur le traitement à suivre et sécuriser le retour du patient », commente Jean-Baptiste Beuscart. Cette mise en commun des connaissances, qui fait la part belle à l'interprofessionnalité, facilite considérablement le suivi du patient et la cohérence des discours.
Une entente qui rassure les patients, dont les retours sont très bons. Même son de cloche du côté des professionnels de santé, qui proposent de faire entrer des patients dans le dispositif.
Un engouement des pharmaciens
Du côté des pharmaciens, « ils répondent présents », affirme Jean-Baptiste Beuscart « Ça se passe très bien, ils sont très volontaires et très demandeurs, très impliqués également. » Si le seul moyen de participer à l'expérimentation est d'être sollicité par les CHU, en septembre 2022, IATROPREV ouvrira une consultation, où les pharmaciens et médecins pourront demander à entrer dans le dispositif.
Dans les mois qui viennent, IATROPREV va lancer un logiciel pour centraliser les informations des patients et les rendre accessibles et ajustables en temps réel par les soignants. Sortie en mars-avril 2022.
A la Une
Gel des prix sur le paracétamol pendant 2 ans : pourquoi, pour qui ?
Salon des maires
Trois axes d’action pour lutter contre les violences à l’officine
Médication familiale
Baisses des prescriptions : le conseil du pharmacien prend le relais
Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens
Retraite des pharmaciens : des réformes douloureuses mais nécessaires