Les chercheurs des laboratoires SkillCell et Sys2Diag (CNRS) travaillent en partenariat avec le CHU de Montpellier sur le projet EasyCov, un test salivaire rapide de dépistage du Covid-19 qui afficherait une sensibilité de 88 % et une spécificité de 99 % selon une étude clinique menée par ses concepteurs. Depuis l'annonce de ces premiers résultats, il y a plusieurs mois, le dossier n'avance pas.
« Ce retard, je ne l'explique pas complètement, regrette Alexandra Prieux, CEO de SkillCell. Tout d'abord il faut bien avoir en tête que la France s'est pendant très longtemps posé la question de savoir si l'on devait utiliser ou non la salive pour du dépistage. Nos autorités sanitaires veulent sans doute être prudentes mais la salive est largement utilisée dans de nombreux pays », affirme-t-elle.
« Nous sommes en contact avec les autorités sanitaires depuis le mois de mai, notamment avec les équipes du ministre de la Santé. On s'est rendu compte au bout de quelques semaines que ça n'avançait pas, alors nous avons pris contact avec la HAS », détaille Alexandra Prieux. À la fin du printemps, suite à la prépublication d'une première étude clinique, le test EasyCov obtient le marquage CE. « Les autorités sanitaires nous ont demandé plus de résultats, mais cet été il nous a été impossible d'aller plus vite car il n'y avait pratiquement plus de patients Covid. Il était donc très compliqué de réévaluer la fiabilité du test à ce moment-là », justifie la reponsable de SkillCell. Ce n'est en fait que depuis le début de l'automne que le contact est officiellement établi avec la HAS. « On fait tout pour leur fournir les données dont ils ont besoin, mais aujourd'hui, je n'ai pas d'idée de calendrier et je n'ai pas de retour officiel, donc on attend et ce n'est pas simple à gérer, notamment vis-à-vis de nos partenaires », déplore Alexandra Prieux.
Les pharmacies visées par les concepteurs d'EasyCov
Le test EasyCov repose sur la technologie RT-Lamp, mais c'est surtout sa capacité à être réalisé sur le terrain qui pourrait rendre son usage particulièrement intéressant, s'il venait à être validé. « On peut l'utiliser à peu près où l'on veut. Dans un aéroport, dans un laboratoire, dans une pharmacie… » Vendre le test aux pharmacies est d'ailleurs un objectif d'Alexandra Prieux. « Oui, c'est l'un de nos objectifs. Notre test n'est pas très technique, nos vidéos de formation durent 45 minutes. C'est tout à fait possible de le faire en pharmacie. Nous avons déjà été en contact avec les grossistes-répartiteurs, parmi les groupements professionnels, ceux des pharmaciens sont d'ailleurs très bien placés. Il y a un fort intérêt, mais tant qu'on n’a pas le retour de la HAS, on n'est tous un peu bloqué malheureusement ».
Évaluation en cours à la HAS
Sollicitée par « Le Quotidien du pharmacien », la HAS a confirmé qu'elle était actuellement train d'évaluer le test EasyCov. « L'évaluation est en cours, la première demande formelle de rendez-vous pour statuer sur le test Easy-Cov est très récente, précise tout d'abord Cédric Carbonneil, chef du service d'évaluation des actes professionnels de l'autorité sanitaire et docteur ès sciences en immunologie. Dès que nous aurons les réponses à nos questions, nous pourrons publier un avis sur la technique EasyCov. Jusqu'alors, nous n'avions pas reçu plus d'informations autres que ce qui a été communiqué dans la presse. L'étude prépubliée sur MedXRiv en mai, et qui n'a jamais été publiée par la suite, faisait état de performances moyennes. Il s'agissait de résultats préliminaires et nous ne nous prononçons que sur des données définitives. Depuis, ils ont travaillé sur une nouvelle version du test et les données cliniques qu'ils nous ont envoyées sont basées sur cette V2. L'évaluation étant en cours, nous ne pouvons pas nous prononcer à ce stade sur la spécificité et la sensibilité du test. Selon les données disponibles, nous pourrons dire ensuite s'il peut être utilisé chez les toutes les catégories de patients ou pas. », détaille Cédric Carbonneil.
L'expert de la HAS rappelle au passage l'importance de distinguer tests salivaires rapides, comme l'est EasyCov, et prélèvement salivaire. « Nous avons mis en évidence que le prélèvement salivaire pour des tests RT-PCR présentait de moins bons résultats, notamment pour les personnes asymptomatiques. Cela dit, nous sommes bien sûr intéressés par toute technologie pouvant permettre d'élargir l'offre. Nous aimerions disposer de tests rapides sur prélèvement salivaire, mais pour l'instant nous ne disposons pas de données suffisantes, souligne Cédric Carbonneil. Il y a une réflexion sur les prélèvements complémentaires, mais à l'heure actuelle le prélèvement de référence reste le prélèvement nasopharyngé, donc les industriels développent en priorité leur test sur cette base-là. Ils chercheront sans doute à diversifier leurs recherches sur d'autres matrices mais les tests antigéniques viennent tout juste d'être déployés. Donc, il est sans doute un peu tôt pour que les uns et les autres cherchent à valider leurs tests sur d'autres techniques de prélèvement. »
Les tests salivaires ont-ils vraiment un avenir ?
Épidémiologiste et cofondateur du bureau d'études Public Health Expertise, Martin Blachier ne prédit pas un grand avenir aux tests salivaires au vu des connaissances scientifiques actuelles. « L'avantage principal d'un test salivaire serait de permettre aux gens de se tester eux-mêmes. Il faudrait voir ensuite si cet avantage pourrait balancer le fait que ces tests sont un peu moins sensibles que les tests antigéniques nasopharyngés, eux-mêmes moins sensibles que les RT-PCR. Or moins un test est sensible, plus le risque d'avoir un faux négatif est grand. Faire un test, avant d'aller voir une personne vulnérable par exemple, et croire que l'on est négatif alors que ce n'est pas le cas, c'est un vrai problème », souligne Martin Blachier. Le fait que le prélèvement salivaire soit moins désagréable et douloureux que le nasopharyngé ne pèsera pas beaucoup dans la balance selon lui. « Nous sommes dans une situation de crise, il y a une telle psychose autour du Covid que les gens acceptent sans mal qu'on leur mette un écouvillon dans le nez, ce qui ne serait pas le cas pour d'autres maladies, observe-t-il. Selon moi, le test salivaire ne sera jamais privilégié, la priorité actuelle c'est surtout de savoir quelle place on va donner aux tests antigéniques », conclut-il.
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