« Sur la fin de vie, aucun pays ne s'est inspiré de la France »

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Publié le 04/05/2023
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Délégué général de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), Philippe Lohéac explique quelles sont, selon lui, les limites actuelles de la législation française sur la fin de vie.

Le Quotidien du pharmacien.- Combien de Français partent à l'étranger pour bénéficier d'une aide active à mourir ?

Philippe Lohéac.- En Suisse, on estime qu'ils sont environ 200 chaque année et 53 Français se sont rendus en Belgique pour cette raison en 2022. Aller en Espagne est pratiquement impossible car un certificat de résidence d'au moins un an est exigé. Par ailleurs, nous ignorons combien de demandes sont effectuées chaque année. Ce que l'on peut dire c'est que pour 10 demandes formulées, une seule aboutit à une euthanasie en moyenne. Les autres ne trouvent pas de réponses favorables car elles ne sont pas légitimes, voire farfelues, parce que des documents manquent, le certificat de discernement par exemple, parce que le patient ne trouve pas de médecin qui consent, ou parce que le malade est décédé entre-temps. On ne peut évaluer précisément leur nombre mais le nombre de demandes de Français qui souhaitent mourir à l'étranger est en augmentation depuis 2016.

Comment peut-on l'expliquer ?

Selon moi, c'est en grande partie à cause de la loi Claeys-Leonetti, présentée comme une avancée alors qu'elle est, en fait, une loi de recul… La sédation existait déjà avant 2016, c'était une sédation profonde mais pas continue pour toute personne souffrant d’une affection grave ou incurable. Depuis l'adoption de cette loi, la sédation jusqu'au décès n'est possible que si le pronostic vital est engagé à très court terme. Le patient est dénutri et déshydraté partiellement pour que le sédatif puisse continuer à circuler. Cela peut parfois durer jusqu'à 8 ou 9 jours, le patient ne meurt pas de sa maladie mais d'une insuffisance rénale ou cardiaque, cela entraîne des souffrances physiques… Aucun pays qui s'est intéressé à la question de la fin de vie n'a d'ailleurs voulu prendre exemple sur le modèle français. En Belgique, quand le patient est sédaté, le décès intervient dans les heures qui suivent. Aucune étude ne permet non plus de savoir quel est le niveau de conscience du patient lorsqu'il est sédaté. Peut-il entendre ses proches si ces derniers lui parlent ? On ne le sait pas. En revanche, ce que l'on sait, c'est que pendant ces longs jours, les proches peuvent voir leur parent inerte et lui parler sans savoir s'il ressent quelque chose ou non.

Parmi les pays qui autorisent l'euthanasie ou le suicide assisté, y a-t-il des modèles à ne pas suivre ?

Celui de l'Oregon, (État au nord-ouest des États-Unis) est sans doute le pire. Le médecin prescrit, le patient récupère son produit et dispose d'un délai de 6 mois pour se l'administrer lui-même. Au terme de ce délai, certains patients ne sont pas morts, on ne sait pas ce qu'est devenu le produit… D'autres malades, parce qu'ils ne savaient pas forcément bien comment l'utiliser, ont agonisé parfois pendant plus de 100 heures avant de mourir… Ce type de modèle, nous devons absolument l'éviter en France.

Propos recueillis par P.M.

Source : Le Quotidien du Pharmacien