Des baisses de prix allant de 4 à 10 % sur 252 produits d’autosurveillance glycémique, d’autotraitement du diabète, d’apnée du sommeil, de prévention des escarres, de nutrition orale et entérale, de stomie, de troubles de la continence et des chaussures orthopédiques. C’est au cœur de l’été, le 5 août, que le Comité économique des produits de santé (CEPS) publie un avis de projet de baisse de prix dans le « Journal officiel ». C'était à prévoir, les prestataires de santé à domicile (PSAD) et les pharmaciens d’officine n’ont pas tardé à sortir de leurs gonds.
Opération coup de poing
Le 30 août, quatre syndicats des prestataires de santé à domicile*, réunis en intersyndicale, publient ainsi dans la presse nationale une lettre ouverte au président de la République et manifestent devant les ministères de la Santé et de l’Économie. Le 2 septembre, ils étaient reçus par le cabinet de Marisol Touraine, exigeant que le projet soit suspendu et que de réelles négociations soient ouvertes avec le secteur. « Nous sommes prêts à faire des propositions qui vont dans le sens des économies », avance Thierry Truschel, vice-président communication de l’Union nationale des prestataires de dispositifs médicaux (UNPDM), dont fait partie la Fédération les syndicats pharmaceutiques de France, et qui compterait plus de 10 000 pharmaciens d’officines parmi ses membres.
Il faut dire que le projet du CEPS est assez radical. « Nous avons été surpris de l’ampleur de la baisse annoncée, tant sur les montants que sur l’étendue des produits concernés », déclare Fabrice Camaioni, pharmacien d’officine et président de l’UNPDM. En effet, l’avis de projet prévoit des baisses de tarifs d’une ampleur inédite. Ces baisses de prix, de l’ordre de 4 à 10 %, touchent plus de 250 produits et prestations de soins à domicile. Soit un total de plus de 200 millions d’euros qui s’ajoutent aux baisses déjà en cours et négociées pour l’année 2016. « Ceci équivaut à une année de résultats nets de l’ensemble des entreprises de PSAD, évoque Thierry Truschel. Ce plan d’économie va littéralement asphyxier le secteur. » En effet, « les montants envisagés ne sont pas absorbables par les entreprises de PSAD, les associations et les pharmaciens d’officine. Une baisse de prix brutale ne peut être absorbée que par une diminution des prestations et de la qualité du suivi et par une réduction du personnel », martèle l’intersyndicale. Pour Thierry Truschel, « si le projet est validé tel quel, il signera en 2017 la mort de nombreuses PME et la suppression de nombreux emplois ».
Quant aux pharmaciens d’officine qui se sont investis dans le MAD, l’impact est loin d’être négligeable. « Ces confrères ont mis les moyens financiers et humains pour réaliser diverses prestations de soins à domicile : installation de lits médicalisés, de prestations médico-techniques lourdes telles que l’oxygénothérapie, la perfusion, etc. Une baisse des tarifs sera donc dommageable sur toute cette organisation et sa qualité, d’autant plus que les marges sont serrées. »
L’ambulatoire va-t-il rater son virage ?
Non seulement ce coup de rabot comptable impacterait les entreprises, mais aussi les patients, en donnant un net coup de frein à la prise en charge à domicile. « Depuis qu’elle est au gouvernement, Marisol Touraine a souhaité développer l’ambulatoire. Mais la logique budgétaire qu’on veut nous imposer aujourd’hui vient à l’encontre de cette volonté politique, martèle Fabrice Camaioni. On ne tient pas compte de l’effet de structure lié au transfert de charges de l’hôpital à la ville. Avec la prise en charge en ambulatoire, les coûts régressent à l’hôpital, mais forcément, ils augmentent en ville. Néanmoins, on sait que la ville coûte moins cher que l’hôpital. Le prix d’une journée à l’hôpital n‘a rien à voir avec la prise en charge d’un patient à domicile. Le virage ambulatoire permet de faire des économies considérables avec une prise en charge aussi efficace qu’en milieu hospitalier. Alors pourquoi vouloir fragiliser ce secteur en l’asphyxiant économiquement ? »
La faute aux mauvais chiffres de l’ONDAM ?
C’est donc l’incompréhension qui touche les professionnels du secteur. « Nous avons toujours mené, en amont des décisions, des discussions constructives avec le CEPS. D’où notre grande surprise lors de la publication de ce texte, qui n’a pas fait l’objet de négociation préalable, pris en plein été, et qui nous permet seulement de formuler nos observations écrites dans un délai de 30 jours, soit jusqu’au 5 septembre. » Tous s’interrogent sur les raisons de cette décision soudaine et brutale. « Elle aurait été prise face aux mauvais chiffres de l'ONDAM** à mi-parcours : les autorités de santé ont compris, au milieu de l’été, que les objectifs de l’ONDAM ne seraient pas tenus pour la fin de l’année. Elles ont alors cherché en urgence des sources d’économies. Et c’est tombé sur les soins de prestation à domicile », analyse Fabrice Camaioni. Il est vrai que les autorités sanitaires ont eu quelques déboires sur plusieurs dossiers générateurs d’économies dans ce secteur : un fort retard du projet de baisse de prix sur la perfusion, qui a traîné durant plus de neuf mois, la polémique autour de la prise en charge des appareils à pression positive continue, le Conseil d’État ayant annulé en novembre 2014 deux arrêtés qui conditionnaient le remboursement du dispositif à sa bonne observance, etc. « Malheureusement, en s’attaquant au secteur de la prestation de santé à domicile, on se trompe de cible », regrette Fabrice Camaioni. Le virage de l’ambulatoire ne pourra pas être pris avec une dégradation des conditions économiques des prestataires de santé à domicile.
* L’intersyndicale réunit la Fédération des PSAD, le SNADOM (Syndicat national des associations d’assistance à domicile), l’UNPDM (Union nationale des prestataires de dispositifs médicaux) et l’UPSADI (Union des prestataires de santé à domicile indépendants).
** Objectif national des dépenses d'assurance maladie
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