C’est en tir groupé que, cet été, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) ont engagé la préparation de la convention nationale pharmaceutique et du PLFSS 2017. Une rencontre avec le ministère, et surtout le lancement d'une grande consultation de la profession, témoignent de cette nouvelle démarche plus consensuelle.
Incontournables
Il n’y a pas si longtemps une telle entente n’aurait pas été envisageable. Face à l'urgence, les deux syndicats ont su s’accorder pour défendre une profession menacée dans ses fondements économiques et fragilisée sur le plan conventionnel. Car, aux côtés de l'évolution du mode de rémunération, la convention pharmaceutique constitue le deuxième domaine régalien des syndicats. Un système conventionnel, relève Philippe Gaertner, président de la FSPF, « envié par les autres professions de santé, mais aussi par les pharmaciens de l'Europe entière qui convoitent notre gestion du tiers payant et nos délais de paiement. Rappelons que nous sommes payés en moyenne à cinq jours par l'assurance-maladie, alors que nos confrères allemands doivent attendre trente jours et certains Européens, 90 jours ». Arrachées une à une par les syndicats, ces victoires « permettent aujourd'hui aux pharmaciens d'exercer leur métier dans de bonnes conditions », tient à rappeler le président de la FSPF.
Au-delà du rôle de médiateur auprès de l'État, de l'assurance-maladie et des complémentaires santé, les syndicats détiennent également des fonctions plus méconnues. Ainsi, ce sont eux qui sont chargés de la convention collective, gèrent les relations avec les syndicats de salariés, veillent au respect du Code du travail, ou encore assurent une présence dans les organismes de la formation continue et du DPC.
Une certaine idée de la profession
Les syndicats ne sont pas seulement des lanceurs d'alerte face aux attaques contre la profession. Loin des coups de projecteurs, ils œuvrent également, comme l'expose Gilles Bonnefond, président de l’USPO, à l'organisation de la profession sur le territoire - notamment les gardes - et à sa défense au cas par cas. Il rappelle ainsi que ce sont les syndicats qui se mobilisent sur le terrain pour l'intégration des pharmaciens à certaines expérimentations. Dans le même esprit, aux lendemains des attentats de Paris et après les manifestations contre la Loi travail, c'est la chambre syndicale des pharmaciens de Paris qui interpelle les pouvoirs publics sur les conséquences néfastes pour l'économie des officines.
En permanence sur la brèche, les syndicats n'en restent pas moins visionnaires, affirme Gilles Bonnefond. « Nous devons anticiper, être force de propositions et rester vigilants tant sur la règle des transferts que sur les biosimilaires », souligne le président de l'USPO, bien décidé, comme son homologue de la FSPF, à monter au créneau lors du PLFSS 2017.
Ce sursaut témoigne-t-il d'un modèle en quête de renouveau ? L'Union nationale des pharmacies de France (UNPF), troisième entité syndicale de la profession, n'y croit plus. Pour elle, le syndicalisme actuel est à bout de souffle. Du reste, au cours des derniers mois, ce syndicat, qui a perdu sa représentativité à l'issue des dernières élections aux URPS, a opéré un virage à 180°. Selon Jean-Luc Fournival, son président, les pharmaciens doivent s'affranchir, coûte que coûte, du joug de l'assurance-maladie.
Jouer collectif
Forte de cette conviction, l'UNPF se désolidarise des deux autres syndicats, n'hésitant pas à railler « un simulacre de front commun ». Réduisant cette nouvelle entente à un « coup de comm' », elle plaide en faveur d'un avenir pour les pharmaciens autre que celui de « pousseurs de boîtes » et d'« administrateurs au service de l’assurance-maladie ». L'UNPF se positionne désormais en syndicat de services. Il offre ainsi différentes solutions, telles un accès au financement participatif pour secourir les trésoreries, des couvertures d'assurance à tarifs préférentiels et autres mutualisations des charges. « Ces solutions mises bout à bout rapportent davantage d'économies à l'officine que toutes les ROSP réunies », assure Jean-Luc Fournival, qui propose aux syndicats de dépasser la trilogie des rôles « informer, négocier, revendiquer », pour devenir de véritables lobbyistes de la santé.
Philippe Gaertner conseille cependant de manier le syndicalisme de services avec prudence. Il pourrait être certes tentant d'offrir des services en contrepartie des cotisations syndicales. Pour autant, sans négliger ces avantages qu'il nomme connexes, le président de la FSPF appelle à ne pas perdre de vue « les fondamentaux du syndicalisme, c’est-à-dire la défense collective de la profession ». Par ailleurs, le syndicalisme de services pourrait, selon lui, se confondre, à terme, avec le rôle d'un « super groupement ».
Redonner envie
Cette vision n'est pas pour inquiéter les groupements, qui misent justement sur cette complémentarité. « Dans les grandes actions en faveur de la profession, les groupements et les syndicats doivent constituer une force de frappe », pense Daniel Buchinger, président d'Univers Pharmacie. « L’évolution de l’UNPF fait davantage penser aux activités d’un club qu’à celles d’un syndicat surtout en matière de prospective face aux enjeux de la pharmacie de 2020-2025. Par ailleurs, ce syndicat inscrit la rétrocession au rang de ses principales revendications. Or la rétrocession amènera rapidement la fin du monopole », déclare Christian Grenier, président de Federgy, la chambre syndicale des groupements et enseignes. Saluant le consensus entre les deux autres syndicats, il regrette cependant que, s’étant largement inspirés des propositions émises par Federgy, ils ne fassent figurer dans le texte de la « grande consultation », « ni le terme de mandat, ni celui de groupements et d’achat par leur structure, ni même celui de communication ».
Au cœur des dissensions actuelles, s'il est un sujet qui fait l'unanimité, c'est bien celui de la relève. Bien que la profession jouisse encore d'un bon taux de syndicalisation (voir ci-dessous), le renouvellement des générations est loin d'être assuré au sein des directions. « Le syndicalisme d'aujourd'hui ne fait plus envie », déplore Jean-Luc Fournival. Gilles Bonnefond établit, quant à lui, un constat plus positif : « Le monde syndical est en train de changer et une vague de jeunes souhaite s’y investir. Il est plus facile de recruter lorsque l'on propose quelque chose de constructif. » Pour Philippe Gaertner, la question se pose davantage sur la forme que sur le fond : « Il faut savoir faire de la place aux jeunes. Dès lors qu'on les intègre en leur confiant des dossiers qu'ils peuvent mener jusqu'au bout, ils sont prêts à s'engager. »
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