Le Quotidien du pharmacien. - Quelle doit être, selon vous, la place du pharmacien dans le système de santé français ?
Emmanuel Macron. - En tant que spécialiste du médicament, le pharmacien est le garant de la qualité et du bon usage des médicaments. Il est un acteur de santé publique incontournable dont l’action doit se concevoir dans le cadre d’une collaboration renforcée avec les autres professionnels de santé comme les médecins et les infirmiers. Il ne faut pas oublier que le pharmacien joue aussi un rôle de proximité, de contact quotidien, notamment pour les personnes âgées et les personnes seules.
Êtes-vous favorable au maintien du monopole de la vente des médicaments en pharmacie d’officine ?
La question que vous posez soulève plusieurs interrogations. Celle, principalement, du monopole pour les pharmaciens. Le pharmacien est le « gardien des poisons » dont l’art est régi par un code déontologique dont l’ordre des pharmaciens est le garant. Le monopole pharmaceutique constitue un des piliers de cette responsabilité, notamment à travers le devoir de refus de délivrance. L’autre question est celle du lieu de délivrance. D’abord, je rappelle que la vente en ligne de médicaments est autorisée depuis la transposition d’une directive européenne. Cette pratique d’achat en ligne est strictement encadrée. Elle ne concerne que les médicaments sans ordonnance pouvant être achetés et utilisés de manière autonome. Les pharmacies en ligne doivent être liées à une officine physique et agréées par l’Agence régionale de santé. Ces règles sont légitimes car il y a des risques, notamment de vente de médicaments contrefaits. Ensuite, se pose depuis plusieurs années la question de la vente de médicaments sous la responsabilité de pharmaciens, hors les murs des officines traditionnelles. Sur cette question, je demanderai au ministre chargé de la Santé d’ouvrir une concertation avec l’ensemble des professionnels concernés, sans précipitation ni dogme.
Êtes-vous favorable à l’ouverture du capital des officines à des investisseurs non-pharmaciens, autrement dit, à la création de chaînes de pharmacies ?
Ce qu’il convient de prendre en considération, c’est la difficulté pour un jeune pharmacien, dynamique et entrepreneur mais sans apport financier personnel, de s’installer en tant que titulaire. Comment lui permettre de trouver l’investissement nécessaire pour créer une structure ? Et les chaînes de pharmacies peuvent-elles être une solution ? En principe, la constitution de tels ensembles devrait permettre de négocier de meilleurs prix auprès des grossistes et d’améliorer la qualité de service. Mais si l’on regarde la situation dans les pays qui les ont développées (comme au Canada), on constate que le prix des médicaments y est plus important qu’en France et que la proximité des officines est parfois sacrifiée, surtout dans les territoires ruraux. Au-delà de la question de principe, les modalités de mise en œuvre, l’environnement réglementaire et la fixation des prix sont donc aussi à prendre en compte.
De façon générale, toute réforme du financement des pharmacies ne pourra se concevoir sans une évolution et un développement des services pharmaceutiques visant à améliorer la qualité des soins et le service clinique rendu aux patients. Ainsi, il faudra accompagner les pharmaciens dans le développement des services de pharmacie clinique.
Comment comptez-vous résoudre le problème des déserts médicaux qui fragilisent aussi les officines ?
La pharmacie en France est exemplaire dans la couverture de l’offre de soins sur l’ensemble du territoire. Avec la régulation par l’État du nombre d’officines par habitant, les pharmaciens apportent à la population un service de qualité et réparti sur le territoire. L’exercice de la pharmacie étant de plus en plus intégré dans une pratique collaborative avec les autres professionnels de santé, toute réforme ou évolution pour traiter la question des déserts médicaux devra associer la pharmacie et les pharmaciens. La vente en ligne peut aussi permettre à des patients isolés d’acquérir des médicaments, mais dans le cadre très strict que j’ai rappelé.
Pourquoi jugez-vous nécessaire de dispenser les médicaments à l’unité ?
La dispensation des médicaments à l’unité répond principalement à l’objectif de réduction de l’iatrogénie médicamenteuse. L’adaptation de la délivrance des doses unitaires à la durée de prescription est une mesure visant à réduire la quantité de médicaments qui reste en possession du patient à la fin de son traitement. Bien sûr, cette mesure concerne surtout les prescriptions de courte durée. Prenons l’exemple d’une prescription d’un anti-inflammatoire non stéroïdien pour une douleur inflammatoire de quelques jours. Actuellement, le pharmacien délivre une boîte couvrant un mois de traitement. Ces médicaments, non dénués d’effets indésirables notables, notamment gastriques ou rénaux, restant à disposition du patient peuvent être pris par lui-même ou son entourage sans contrôle médical ou pharmaceutique, avec un risque pour sa santé. Cette mesure permettra donc de renforcer le recours au médecin et au pharmacien pour la prescription et la dispensation des médicaments sur ordonnance.
Un autre avantage réside dans la traçabilité des doses jusqu’au moment de l’administration au patient. Le développement de la délivrance unitaire pourra être accompagné par l’automatisation de la préparation des doses individuelles. Les solutions d’automatisation se développent notamment dans le cadre des conventionnements entre pharmacies et EPHAD, ainsi que dans les pharmacies hospitalières. Ces solutions, en permettant un surconditionnement de chaque dose médicamenteuse, renforcent l’identification du médicament jusqu’à l’administration au patient, en assurant une traçabilité totale des éléments de sécurité, comme le nom du patient, le nom du médicament, la dose, le numéro de lot ou la date de péremption. Enfin, l’intérêt est aussi pour notre système de santé. On estime à 7 milliards d’euros chaque année le gaspillage de médicaments.
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