C’est une menace qui plane sur la pharmacie d’officine et sur le système de santé tout entier. Une menace déjà bien réelle et dont les premiers effets néfastes commencent à être observés. La financiarisation de l’offre de soins suscite l’intérêt de la commission des affaires sociales du Sénat qui continue d’auditionner différents acteurs du système de santé sur ce sujet ô combien important. Le 10 avril, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) ont répondu aux questions des sénateurs et rappelé leur inquiétude face à ce phénomène en plein essor. « La Cour de justice de l’Union européenne l’a dit elle-même, le plus haut niveau de santé publique est atteint quand le professionnel de santé est indépendant et maître de son outil de travail, veut d’abord rappeler Philippe Besset, président de la FSPF. Nous, nous voulons le plus haut niveau de santé pour nos concitoyens et pour cela, il faut donc un pharmacien indépendant », résume-t-il. « Tout le monde au sein de la profession s’accorde pour dire que la financiarisation est un gros danger, en particulier pour la liberté d’action du pharmacien », appuie Pierre-Olivier Variot.
Pour le président de l’USPO, il faut à tout prix éviter que des investisseurs extérieurs n’entrent dans le capital des officines, ce qui condamnerait l’un des trois piliers de la profession : l’indépendance économique du pharmacien. « Si l’on touche à l’un de ces piliers, les deux autres vont tomber », alerte-t-il. Aujourd’hui, le droit français empêche ce risque pour l’instant. « Entrer dans le capital des officines ce n’est pas possible en France aujourd’hui, confirme Philippe Besset. En revanche, on peut très bien par la voie contractuelle associer à la dette un caractère d’obligation, en injectant de l’argent à la place du pharmacien. Ainsi, il est possible de prendre le contrôle de l’officine avec des pactes qui imposent au pharmacien soi-disant titulaire de démissionner s’il n’arrive pas à atteindre les objectifs chiffrés qui lui sont assignés ». Pour les syndicats, il faut absolument mettre un terme à ce système, ce qu’ils ont rappelé aux sénateurs. « Il faut que l’Ordre soit destinataire de tous les pactes d’associés. Dans les faits c’est déjà le cas, mais il n’y a rien de contraignant », explique Pierre-Olivier Variot. « Il faut probablement modifier la loi et renforcer le pouvoir réglementaire. Notre solution c’est de faire ne sorte que les textes tels que les pactes d’associés soient visés de façon conforme par l’Ordre, que ce ne soit pas à visée informative uniquement, complète Philippe Besset, Ainsi, s’il n’y a pas la mention “conforme” de l’Ordre, le texte serait déclaré léonin et donc pas applicable. »
Autre point important, la transparence concernant l’origine des fonds. « Il faut que tous les fonds puissent être tracés, que l’on sache d’où ils viennent et que les banques certifient leur origine », souligne Pierre-Olivier Variot. Enfin, un gros travail doit être mené auprès des étudiants, ciblés par ces fonds qui leur promettent monts et merveilles et leur font ensuite vivre d’énormes désillusions. « Il faut que les étudiants soient informés en amont, plaide le président de l’USPO. On leur fait des propositions qui peuvent paraître brillantes et par méconnaissance ils y adhèrent parfois ». Pour éviter à de nombreux jeunes qui veulent s’installer de graves mésaventures, Pierre-Olivier Variot plaide pour le développement de fonds éthiques, sur le modèle de ce qui a été fait par la CAVP. « Des fonds gérés par la profession pour la profession. On est en train de travailler là-dessus », annonce-t-il.
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