Si les critiques adressées à M. Fillon ne venaient que de ceux qu'il a une bonne chance de vaincre en 2017, elles n'auraient pas d'effet. Ses opposants ont enfin trouvé un argumentaire défavorable contre celui qui a été élu candidat de la droite et du centre dans les conditions triomphales que l'on sait. Mais la plus vive contestation vient de son propre camp et plus particulièrement du Dr Bernard Accoyer, ancien président de l'Assemblée nationale qui, avec une stupéfiante honnêteté, n'a pas hésité, lui qui occupe le poste sensible de secrétaire général des Républicains, à demander à M. Fillon de réviser son projet santé.
L'ancien Premier ministre est guidé par la nécessité de réduire les dépenses de l'Etat. Il est donc logique que, lorsqu'il s'est attelé à la tâche d'économiser 110 milliards en cinq ans sur la dépense publique, il ait songé à l'assurance-maladie, perpétuellement déficitaire. Une méthode de retour des comptes à l'équilibre ne fait pas de M. Fillon un monstre froid qui va empêcher les malades de se soigner. Il faut dire que, entretemps, la ministre actuelle des Affaires sociales, Marisol Touraine, a sensiblement réduit le déficit de l'assurance-maladie, de sorte que, en 2017, nous ne devrions pas être trop loin d'un point d'équilibre. Dans ces conditions, pourquoi augmenter la CSG, pourquoi compter davantage sur les mutuelles (ce qui aurait un coût pour les patients), pourquoi semer le mécontentement là où l'objectif est à portée de la main ? M. Fillon a déjà dit qu'il ne se laisserait pas impressionner par ses censeurs, mais il écoutera, dans son propre camp, les voix de la raison et c'est sans doute pourquoi le dossier n'est pas clos.
Deux libéraux cachés
Le sujet, en tout cas, est emblématique de la polémique incessante sur le libéralisme que nourrissent tant de voix discordantes qui s'expriment dans notre beau mais bruyant pays. Je dirai, avec toute la mesure dont je suis capable, que le débat entre libéralisme et centralisme étatique est nul et non avenu. L'expérience et les temps difficiles que nous traversons ont montré qu'il faut se méfier des idéologues. Celui qui avait fait de la finance son ennemie a eu ensuite de coupables affinités avec elle. Tel autre qui dénonce le rôle de l'Etat réclame son aide quand son entreprise défaille. Ne dites jamais dans quel sens vous penchez au sein de ce débat, vous serez aussitôt assailli par des centaines de détracteurs. Ne dites même pas que vous êtes pragmatique et encore moins que vous réclamez un peu de bon sens, vous serez accusé de simplisme ou de philosophie de café.
S'il est bon de ne pas annoncer la couleur, on a au moins le droit, dans cet environnement si tolérant, de dire que la France peut se risquer à mettre en œuvre des méthodes qui ont donné de bons ou satisfaisants résultats ailleurs. Le recours à l'endettement ayant atteint ses limites, la pression fiscale annihilant l'initiative individuelle, les besoins en financement public ayant asséché notre capacité à dégager des capitaux pour l'économie marchande, il serait logique que nous songions à faire des économies pour en investir le montant dans de nouvelles unités de production, elles-mêmes créatrices d'emploi. Appelons cela comme vous voulez et donnons-lui, s'il le faut, le nom épouvantable de libéralisme ; mais, pour ma part, il s'agit seulement d'utiliser les moyens que nous n'avons pas encore utilisés et qui, après tous ceux qui ont échoué, pourraient enfin réussir. A tous les socialistes de ce monde, il faut rappeler que nous vivons, bien ou mal, au cœur d'une économie de marché et que tant que nous n'avons pas adopté le marxisme-léninisme, nous devons nous y habituer. D'autant qu'il y a au moins deux libéraux cachés au sein de la gauche : Manuel Valls et Emmanuel Macron.
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