« Le mécontentement et l'incompréhension des pharmaciens d'officine ne font que grandir. » C'est ce qu'a écrit Grégory Tempremant, président de l'URPS pharmaciens de Nord-Pas-de-Calais-Picardie à Jean-Yves Grall, directeur de l'agence régionale de santé (ARS). En cause, de nouveau, les prestataires qui détournent à leur profit les ordonnances de matériel médical que pourraient fournir les pharmaciens de ville, en étant présents directement dans les hôpitaux. Voire « en proposant même des ordonnances toutes rédigées - en leur faveur - que le médecin n'a plus qu'à signer ».
Grégory Tempremant, pharmacien à Comines (Nord), abonde d'exemples : ces services qui transmettent directement aux prestataires des ordonnances pour des poches de stomie ; cette clinique qui envoie directement les ordonnances pour des tire-lait, sans se soucier de savoir que le pharmacien peut dispenser le même modèle, avec le même niveau de remboursement ; ce patient qui utilise un fauteuil prescrit par le service d'ergothérapie d'un centre de réadaptation, et dont le pharmacien n'a pas vu l'ordonnance ; de même, pour un lit médicalisé : « Nous ne savons même pas qui l'a livré. »
« Tout se passe à l'hôpital, confirme Thierry Bouchez, pharmacien à Avion (Pas-de-Calais), quand le médecin ou le stomato contacte le prestataire qui délivrera directement le patient. Lorsque j'en parle au patient, il me répond que l'hôpital s'est chargé de tout, mais parfois on ne sait même pas qu'il y a une poche, et on pourrait faire une erreur. Le coût pour la Sécurité sociale est important, car le prestataire livre en une fois, et en quantité : si la personne décède, ou si le traitement est changé, il va rester des quantités de médicaments. Alors que le pharmacien fait un service quotidien, ou au moins hebdomadaire. »
Des droits bafoués
Dans la grande région Nord, les exemples se multiplient. Même aux risques du patient quand l'équipement nécessite un suivi, un appareil à oxygène par exemple, mais dont le pharmacien habituel ne connaît pas la provenance, ni donc le suivi ni l'entretien.
Dans sa lettre au directeur général de l'ARS, Grégory Tempremant rappelle que « le patient est propriétaire de son ordonnance, et qu'il a le libre choix de son fournisseur ». Ces deux droits, légaux, sont bafoués quand, souvent, le patient ne voit même pas l'ordonnance. Et le président de l'URPS de s'insurger contre « les prestataires qui ont portes ouvertes à l'hôpital, alors que le pharmacien n'a pas le droit de faire de la publicité », et contre les arguments, qu'il juge faux, employés pour convaincre patient et médecin hospitalier : le prétendu manque de stock de l'officine, le prix plus élevé, etc.
Fausse naïveté
Grégory Tempremant va jusqu'à « espérer que cette fausse naïveté [des hospitaliers et des prestataires] ne cache pas des pratiques plus douteuses ». Et de rappeler que « le compérage est interdit par le code de la Santé publique ». Il sourit en se souvenant de ce médecin hospitalier, lors d'une réunion, qui niait tout contact avec des prestataires, tout en jouant avec un stylo portant la marque… d'un prestataire !
Le président de l'URPS se « réserve le droit de porter les affaires en justice », ajoute-t-il dans sa lettre, mais cherche aussi à résoudre la difficulté. Au-delà des intérêts bien compris des prestataires. « Cette situation illustre la grande méconnaissance du monde hospitalier pour la médecine de ville, observe-t-il, et pour la pharmacie d'officine. Nous sommes dans des mondes très cloisonnés, personne ne communique. Les pharmaciens de ville n'ont même pas encore de messagerie sécurisée. De son côté, l'hôpital doit changer ses pratiques, en particulier s'inscrire dans une démarche qualité. »
Coordination ville-hôpital
« Il faut créer un comité mixte ville-hôpital, mettre tout le monde autour de la table, créer du liant. Les infirmiers sont aussi vent debout contre les prestataires. Or, depuis la loi HPST (hôpital, patients, santé, territoire), nous sommes tous des professionnels de santé de premier recours. Avec, de plus, le virage ambulatoire voulu par la Sécurité sociale comme par les praticiens, l'avenir de nos professions passera obligatoirement par la coordination entre les acteurs de la ville, et entre ceux-ci et les acteurs hospitaliers. Le gouvernement doit donner une logique visible, comme il l'a fait pour le PAERPA (personnes âgées en risque de perte d'autonomie). »
Grégory Tempremant conclut sa lettre au directeur général de l'ARS en réclamant une enquête de l'inspection des services (IGAS), et que les pharmaciens aient accès à ses conclusions. Car, dit-il, ces pratiques vont « à l'encontre de la stratégie de parcours de soins qui est notre préoccupation et pour laquelle nous travaillons en collaboration ».
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