C’était une promesse d’Emmanuel Macron qui avait suscité beaucoup d’espoir. En avril 2023, le chef de l’État avait annoncé que tous les fauteuils roulants manuels et électriques seraient « intégralement pris en charge par l’assurance-maladie en 2024 ». Depuis le dossier s’est enlisé, les associations s’inquiètent, de même que les prestataires de dispositifs médicaux qui travaillent avec les officines. Ces derniers alertent sur un risque réel selon eux : la possible fin de la délivrance des fauteuils roulants en pharmacie.
D
e l’espoir à la douche froide. Il y a près d’un an, lors de la Conférence nationale du handicap (CNH), Emmanuel Macron annonçait que « tous les fauteuils roulants manuels et électriques (seraient) intégralement pris en charge par l’assurance-maladie en 2024 ». Un engagement fort et ô combien important pour les bénéficiaires tant les délais d’attentes sont longs, et les dossiers complexes, pour obtenir une prise en charge. Sauf, que depuis cette déclaration, aucune mesure concrète n’est entrée en vigueur. En ce début d’année, les associations de patients, comme APF France Handicap, ont tenu à rappeler au locataire de l’Élysée qu’ils n’avaient pas oublié la promesse tenue il y a quelques mois. « À ce jour, aucun élément tangible n’est porté à notre connaissance qui pourrait nous laisser penser que les réformes en cours aboutiront à une prise en charge intégrale par l’assurance-maladie de tous les modèles de fauteuil roulants manuels et électriques », soulignait ainsi la présidente d’APF France Handicap, Pascale Ribes, dans un courrier adressé le 16 janvier à Emmanuel Macron. Preuve que l’impatience grandit, le député écologiste Sébastien Peytavie, lui-même en fauteuil roulant, a également lancé une pétition en ligne pour pousser le président de la République à agir. À la mi-février, elle avait déjà recueilli près de 60 000 signatures.
Tous les fauteuils qui seront proposés par les fabricants au-dessus de 2 600 euros pourraient ne plus être inscrits à la LPPR et donc plus pris en charge par l’assurance-maladie.
Une promesse qui risque d’être difficile à tenir
À la lassitude, se sont désormais ajoutées l’inquiétude et la colère. Des sentiments nés des échos sur les nouvelles modalités de prises en charge qui sont envisagées. « Une nouvelle disposition est proposée qui, si elle est arbitrée et validée, va à l’encontre même de nos attentes, alerte APF France Handicap. Le prix limite de vente (PLV) tel qu’il est fixé dans les dispositions proposées va entraîner une sortie de la LPPR (liste des prestations et produits remboursables par l’assurance-maladie) de la majorité des fauteuils roulants ». L’association redoute précisément que tous les fauteuils qui seront proposés par les fabricants au-dessus de 2 600 euros ne soient plus inscrits à la LPPR et donc plus pris en charge par l’assurance-maladie. Un énorme problème alors que de nombreux véhicules, notamment les fauteuils roulants manuels à alliages légers, coûtent en moyenne entre 5 000 et 7 000 euros. « S’ils ne sont plus pris en charge par la LPPR, les mutuelles ne pourront plus intervenir sur le coût du fauteuil, ni sur le reste à charge », prévient également l’association, qui évoque aussi un autre risque, celui de voir certains modèles de niche ne plus être distribués en France.
Menace sur le fauteuil roulant en pharmacie
L’association n’est pas à la seule à s’inquiéter, ni à avoir écrit directement à Emmanuel Macron. Le 29 janvier, une autre missive a été envoyée au chef de l’État, cette fois à l’initiative de l’Union nationale des prestataires de dispositifs médicaux (UNPDM). « La question du temps d'accès et de la résolution des dossiers pour les patients en situation de handicap qui ont besoin d’une prise en an charge pour un fauteuil est essentielle. Aujourd’hui, ces délais sont beaucoup trop longs et c’est un scandale », rappelle premièrement son président, Jean-Roch Meunier. Pour lui, la problématique des futures conditions de prise en charge des fauteuils roulants, aussi importante soit-elle, masque cependant un autre sujet. « Il y a un risque avec ce projet de nouvelle nomenclature, celui de voir les pharmaciens d'officine ne plus être en possibilité de proposer la location de fauteuils roulants standards, parce que ce ne sera plus rentable. Cela serait particulièrement regrettable car le système fonctionne très bien. Quand un patient vient le matin en officine, son fauteuil est disponible dès l’après-midi et ce, peu importe dans quelle région il se trouve », tient-il à préciser.
L'UNPDM a donc coordonné l'envoi d'un courrier signé par les syndicats de pharmaciens, de groupements et plusieurs entreprises concernées. « Faciliter l’accès aux fauteuils roulants pour les personnes en situation de handicap est une ambition avec laquelle on ne peut être que d’accord. Le problème c’est que la nouvelle nomenclature envisagée entend financer une mesure, un meilleur accès aux fauteuils roulants très spécifiques (ceux du titre IV), en faisant des économies sur un autre type, c’est à dire les fauteuils roulants standards délivrés en officine (ceux du titre I) ». C’est plus précisément la location de fauteuils en pharmacie qui est dans le viseur de la direction de la Sécurité sociale (DSS), qui a relancé en fin d’année dernière les discussions autour de la réforme de la nomenclature des véhicules pour personnes handicapées (VPH).
Volonté d’interdire toute location supérieure à 6 mois
La location de fauteuils en pharmacie est essentiellement dédiée à des personnes âgées, au moins plus de 65 ans, en perte d’autonomie et qui ont besoin d’un fauteuil, pour des durées plus ou moins longues. « Ce sont des patients qui viennent en officine grâce à la proximité qu’offre le réseau. C’est une activité plutôt saisonnière, on constate une hausse de la demande pendant les vacances, notamment l’été. Des personnes âgées qui ont du mal à se déplacer et veulent passer du temps en famille », explique Jean-Roch Meunier. La première ambition des décideurs serait d’interdire toute location supérieure à 6 mois, ce qui concernerait 40 % des dossiers pour des fauteuils standards. Si un patient loue un fauteuil, il devrait ensuite attendre un an avant d’en louer un autre. Un délai de carence limiterait en effet la location à une prescription par an et par patient.
Si l’accès aux fauteuils roulants devient plus compliqué pour toutes ces personnes âgées qui en ont besoin de manière ponctuelle, ça ne fera qu’accélérer leur isolement et leur désocialisation »
Jean-Roch Meunier, président de l’UNPDM.
Aussi, et surtout, la réforme en cours prévoit une baisse drastique des Prix limites de vente (PLV). Ainsi la location passerait de 16 à environ 7 euros par semaine. Avec des tarifs aussi bas, impossible de maintenir la rentabilité de l’activité selon le président de l’UNPDM, ce qu’ont également affirmé les grossistes-répartiteurs. « Ce qui est encore plus dommage c’est que ces mesures d’économies ne suffiront même pas à financer un meilleur accès aux fauteuils électriques les plus spécifiques. Dans une précédente réunion avec la DSS, il était question par exemple d’un prix de remboursement fixé à 4 000 euros pour certains modèles, sauf qu’on n’en trouve pas à moins de 12 000 euros ! Quand on a signalé ce problème, on nous a seulement répondu que les fabricants feraient sûrement un effort… Globalement, il manque de l’argent pour financer cette réforme », fait-il remarquer.
La location concentre près de 80 % de l’activité fauteuil roulant en officine, la vente restant aujourd’hui assez marginale.
Une remise en question du MAD en pharmacie ?
Pour Jean-Roch Meunier, il faut aussi tenir compte de l’impact que ces mesures potentielles auraient sur les patients. « Si l’accès aux fauteuils roulants devient plus compliqué pour toutes ces personnes âgées qui en ont besoin de manière ponctuelle, ça ne fera qu’accélérer leur isolement et leur désocialisation », met-il en garde. Autre problème pour les officinaux si les desseins des décideurs se concrétisent. « Le fauteuil roulant pour le pharmacien c’est une porte d’entrée pour toute l’activité du maintien à domicile. C’est en venant en pharmacie pour un fauteuil que le patient se rend compte de tous les services que l’officinal peut lui offrir dans ce domaine. Si l’activité fauteuil roulant quitte la pharmacie, cela aura des répercussions sur le reste ». Selon le président de l’UNPDM, la location concentre en effet près de 80 % de l’activité fauteuil roulant en officine, la vente restant aujourd’hui assez marginale.
Deux semaines après avoir envoyé sa lettre au président de la République, Jean-Roch Meunier n’a pas encore eu de réponse. « On fait le nécessaire, au niveau du Sénat, de l'Assemblée nationale, pour faire entendre nos arguments. En face, il y a la volonté d’aller vite, de faire passer les textes avant cet été, pour une application au 1er juillet, c’est très court, déplore Jean-Roch Meunier. Ce que nous demandons, c’est au minimum des tarifs suffisants pour assurer la rentabilité de l’activité. Nous avons plusieurs fois insisté aussi sur l’importance d’un calendrier adapté prévoyant une trajectoire sur trois ans, une phase de transition pour permettre aux différents acteurs de s’adapter… Pour moi, c’est un vrai enjeu sur lequel nous devons mobiliser tout le secteur officinal, c’est un combat que l’on ne doit pas perdre », insiste le président de l’UNPDM. Le temps de l’enthousiasme suscité par les promesses d’Emmanuel Macron semble aujourd’hui très lointain…