La mission confiée par la Première ministre Élisabeth Borne à six personnalités qualifiées* en janvier dernier a abouti hier à un volumineux rapport sur le financement et la régulation des produits de santé. Parmi la cinquantaine de propositions, l’idée d’abaisser le plafonnement des remises génériques de 40 à 20 % fait bondir les syndicats de pharmaciens.
Bien qu’il y ait une grande majorité de mesures dans ce rapport dont Philippe Besset, le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), partage le bien-fondé, il s’oppose fermement à l’idée d’un abaissement des remises génériques de 40 % à 20 %. « Au moment où nous avons besoin d’investissements pour déployer le nouveau rôle du pharmacien d’officine en termes de santé publique et de prévention, il est hors de question que nous perdions de la rémunération sur notre cœur de métier qu’est la délivrance du médicament. En l’occurrence, on parle d’une perte de 650 millions d’euros ! » Pour Pierre-Olivier Variot, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), ce rapport « écrit pour et par les industriels » est « une déclaration de guerre ».
Dans son chapitre dédié à « retrouver de nouvelles marges financières », la mission propose en effet un focus sur le générique. L’idée d’élargir l’ouverture du répertoire aux hybrides est bien accueillie par les pharmaciens, tout comme celle de renforcer la prescription au sein du répertoire, « par exemple en s’inspirant du système mis en place pour justifier la mention "non substituable" (NS) : la prescription hors du répertoire devrait être justifiée par le médecin comme cela existe pour le recours au "NS" afin de s’assurer que cela répond strictement à un besoin patient spécifique ». Même si « ces mesures devraient exister depuis longtemps pour éviter les contournements inadmissibles du répertoire », rappelle Pierre-Olivier Variot.
Mais envisager une baisse du plafonnement des remises génériques ne passe pas. L’idée générale est de trouver « des marges de manœuvre » pour atténuer « les fragilités d’approvisionnement liées à la situation d’inflation et ses impacts sur les coûts de revient », et cela « sans augmentation de prix ». Or, notent les auteurs du rapport, « la diminution d’une partie de la remise commerciale permettrait de redonner des marges de rentabilités aux entreprises concernées. On pourrait aller plus loin en permettant au Comité économique des produits de santé (CEPS) d’ajuster chaque année le niveau de marge commerciale en fonction de la situation économique (inflation), des priorités industrielles ou de santé publique ». Pire, cette proposition pourrait « être intégrée en construction du PLFSS pour 2024 ».
C’est là toute l’inquiétude de Philippe Besset. « La loi prévoit que le gouvernement peut plafonner les remises jusqu’à 50 %. Dans les faits, il n’a donc besoin ni de passer par le Parlement, ni de l’accord de la profession pour mettre en application cette proposition. Un arrêté assez ancien plafonne ces remises à 40 %, il suffit d’un nouvel arrêté pour passer à un plafond de 20 %. Si le gouvernement suit cette recommandation, nous serons évidemment vent debout et nous durcirons les négociations du 2e semestre sur l’avenant économique. »
Le rapport mentionne qu’une partie de la perte pour les pharmaciens « pourrait être compensée dans le cadre de la politique de soutien aux missions de santé publique à forte valeur ajoutée » et cite le développement des TROD, la vaccination, la pénétration des biosimilaires… « On ne peut pas parler de compensation, balaie Philippe Besset. Le cœur de métier reste la délivrance du médicament dont la rémunération doit être consolidée et même améliorée puisqu’elle représente 80 % à 90 % de notre activité. Les autres missions sont du travail en plus pour lequel il est normal d’être rémunéré en plus. » En colère, Pierre-Olivier Variot rappelle que « les remises génériques sont connues, transparentes et participent de l'équilibre dans le nouveau mode de rémunération du pharmacien notamment acté dans l'avenant 11 à la convention pharmaceutique ». Il compte donc « demander une étude économique et dénoncer ce rapport qui assure que le réseau officinal est essentiel mais qui le dézingue. On ne peut pas nous retirer de la rémunération en nous disant de faire des nouvelles missions pour compenser ».
* Agnès Audier, Claire Biot, Frédéric Collet, Anne-Aurélie Epis de Fleurian, Magali Leo et Mathilde Lignot-Leloup.
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