Le droit de substitution biosimilaire est remis en cause par l’avant-projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2020. Le texte prévoit d’abroger les articles qui instituent et encadrent cette substitution par le pharmacien, articles eux-mêmes issus de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2014. Certes, leur rédaction - et l’absence d’un décret d’application attendu pendant plus de cinq ans - n’a pas permis la mise en œuvre de la substitution biosimilaire. L’Union des groupement de pharmaciens d'officine (UDGPO) s’est même résolue à faire appel au Conseil d’État pour voir paraître le décret manquant. La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) ne baisse pas les bras et explique que « les articles ont besoin d’être réécrits, pas supprimés ». De son côté l’UDGPO compte sur la proposition d’amendements au PLFSS pour voir réapparaître le droit de substitution biosimilaire.
En attendant, les avis restent partagés entre les acteurs de la santé. Parmi les fabricants, seuls Biogaran et Mylan se sont déclarés favorables à la substitution biosimilaire, Sandoz prônant avant tout l'interchangeabilité par le prescripteur. Côté associations de patients, 14 d'entre elles ont organisé une conférence, le 7 octobre, pour faire entendre leur opposition à la substitution biosimilaire par le pharmacien. Elles craignent notamment un changement de biosimilaire à chaque délivrance. La Fédération française des diabétiques (FFD), en revanche, s’y déclare favorable. Car « 90 % des patients diabétiques de type 2 sont suivis par leur médecin généraliste » dont le temps de consultation est compté. « On est dans une organisation en termes de soins primaires où le médecin généraliste ne peut plus tout faire tout seul, ce qui pose la question du rôle et des compétences de chacun, notamment de la place du pharmacien », explique Claire Desforges, responsable des affaires publiques de la FFD. De plus, l’association est « intimement persuadée » que le pharmacien est celui qui connaît le mieux le médicament.
Acteur clé
C’est aussi l’avis de Muriel Paul, chef du service pharmacie de l’hôpital Henri Mondor, à Créteil (Val de Marne). « Les pharmaciens doivent être dans la boucle très tôt pour correspondre avec les médecins qui ont besoin de mieux connaître ces médicaments puisqu’ils engagent leur responsabilité en tant que prescripteur. » Or, rappelle-t-elle, « les pharmaciens ont dans leurs études un cursus qui les autorise à bien comprendre, par exemple, ce que sont les anticorps, leurs différences en termes de structure, les modifications potentielles entre un biosimilaire et un princeps notamment sur la partie glycosylée ». Face aux craintes des associations de patients que l’officine soit moins en pointe que la pharmacie hospitalière, Muriel Paul se dit prête à travailler avec ses homologues officinaux qui, bien accompagnés, « sont à même de faire ce travail et d’être un acteur clé autour de la pharmacovigilance ». Et même un pivot, car, insiste-t-elle, « il ne faut pas oublier que le pharmacien d’officine voit le patient de façon beaucoup plus importante que le médecin ou le pharmacien hospitalier ».
Désormais bien implantés en milieu hospitalier, les biosimilaires sont encore peu utilisés en ville. Pour y remédier, une expérimentation vise à inciter la prescription hospitalière de biosimilaires (insuline glargine, étanercept et adalimumab) délivrés en ville. « La pénétration des biosimilaires fonctionne bien à l’hôpital, nous atteignons des taux de 90 % pour certaines molécules, mais le véritable enjeu économique est la délivrance à l’officine », précise Muriel Paul. C'est pourquoi elle regrette que l’avant-PLFSS place le prescripteur « un peu seul face à la décision de switcher vers un biosimilaire », même si le patient est partie prenante. « Ce sont des médicaments biologiquement similaires, avec un développement calqué sur le princeps et qui ont fait la preuve de leur comparabilité, ajoute Muriel Paul. Ce ne sont pas des sous-produits ! »
D'après un colloque sur les biosimilaires organisé par « Pharmaceutiques » en partenariat avec le GEMME le 8 octobre 2019.
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