Thierry Philip, professeur en cancérologie et président de l'Institut Curie, s'alarme de l'envolée des prix des anticancéreux. Si la France parvient encore à les prendre en charge, il s'inquiète de la situation de demain et suggère des pistes d'évolution.
Le cancérologue détaille la situation et ses propositions d'amélioration dans une interview au quotidien « Libération ». Si les médicaments contre le cancer sont bien pris en charge par la collectivité, soit par le biais de la liste en sus, soit par le système d'autorisation temporaire d'utilisation (ATU), il s'inquiète du « taux d'augmentation annuelle » du coût de ces médicaments. Entre 2000 et aujourd'hui, le coût global du cancer est passé de 15 milliards à 16,5 milliards d'euros, mais pour le seul poste médicament, il a bondi de 1 milliard à 3,5 milliards d'euros… principalement sur les trois dernières années. « Nous sommes sur une pente d'un milliard par an d'augmentation. Si on se projette en 2025, on se retrouve avec près de 10 milliards », ce qui est « intenable » et risque de « mal finir ».
Le cancérologue encourage à poursuivre l'expérimentation de nouvelles molécules et à continuer dans la voie du progrès apporté par des médicaments comme Keytruda, qui augmente la survie de 5 % à 40 % à trois ou quatre ans dans le cancer du poumon. « C'est une révolution, et il faut payer ce qu'il faut payer, peu importe le coût, il est hors de question de s'en priver. » En revanche, il pointe des situations où des médecins « prescrivent sans fin des médicaments, souvent onéreux, sans intérêt thérapeutique réel ». Il suggère d'imposer aux médecins de remplir un formulaire justifiant leur utilisation de traitements de seconde, troisième ou quatrième intention, ce qui concernerait de nombreux malades, « tous ceux qui sont en rechute ».
Pour trouver le « juste prix du médicament » (lire notre article « abonné »), il propose de séparer coût de la recherche (qui serait payé une fois pour toutes lors de l'obtention de l'AMM) et coût de production, ce qui suppose d'augmenter la transparence sur les coûts supportés par les industriels. Il envisage également, pour faire face à un prix élevé, de prolonger le brevet d'un médicament à 20 ou 30 ans pour échelonner le somme à débourser par la collectivité. Reste, en « arme ultime », la licence d'office obligatoire pour contraindre les laboratoires. Quelles que soient les solutions utilisées, la clé viendra de la forte inclusion des patients qui peuvent imposer la transparence comme ils l'ont fait avec le VIH. Thierry Philip reste confiant en l'avenir, notamment parce que le « contexte politique est favorable » : « Nous avons une ministre compétente, elle connaît le dossier par cœur, elle a pris des positions claires. » (lire notre article « abonné »)
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