Le casse-tête du financement de l’innovation

Publié le 09/07/2015
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ALORS QUE les négociations débutent autour du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 (PLFSS 2016), le directeur de la Sécurité sociale, Thomas Fatome, et le président du Comité économique des produits de santé (CEPS), Dominique Giorgi, livrent leurs pistes de travail. L’objectif est clair : le contexte contraint nécessite de faire des économies pour financer l’innovation. Dominique Giorgi souligne que, en vingt ans, pas un seul médicament innovant (ASMR 1, 2, 3) n’a manqué au patient français. « C’est un élément extrêmement positif. On ne peut pas en dire autant dans d’autres États-membres de l’Union européenne. » Pour y parvenir, le CEPS négocie avec les laboratoires pharmaceutiques « au plus juste ». Mais pour la première fois, il craint d’essuyer des échecs de négociation dans les semaines à venir. C’est pourquoi il appelle les industriels promoteurs de médicaments orphelins à se montrer raisonnables. De leur côté, les industriels s’inquiètent de voir se généraliser des mécanismes exceptionnels, comme celui mis en place dans le LFSS 2015 pour les traitements de l’hépatite C (taxation supplémentaire si les recettes dépassent un certain montant). Pour le directeur de la Sécurité sociale, la « réponse est pertinente » étant donné la situation du pays : « Ce n’est pas notre souhait de rééditer le principe de mécanismes exceptionnels. Plus les prix seront responsables et moins nous aurons besoin de ce type de dispositif. »

Objectif d’économie.

Le mécanisme a fait ses preuves malgré l’arrivée des fameux médicaments du VHC, Sovaldi, négocié à 41 000 euros le traitement de 12 semaines, et Harvoni, à 48 000 euros en ATU. Selon toute vraisemblance, l’ONDAM 2015 sera respecté. Thomas Fatome rappelle le mot d’ordre de la ministre de la Santé, Marisol Touraine : « Le but est la stabilité des coûts des médicaments remboursés sur trois ans, nous construisons des ONDAM cohérents avec cet objectif. » Et d’ajouter : « Nous n’avons pas d’objectif de prix mais d’économies. » Tous les postes de dépenses sont mis à contribution, rappelle-t-il. « L’idée selon laquelle c’est l’industrie pharmaceutique qui, par la contrainte, va payer l’innovation, est fausse. C’est l’ensemble de la chaîne qui contribue à faire entrer l’édredon dans la valise. »

Dominique Giorgi rappelle qu’il s’agit justement du rôle du CEPS : « créer les espaces de financements nécessaires. » D’où les baisses de prix régulières, car « il est beaucoup plus difficile d’agir sur les prescripteurs ou sur la promotion que sur les prix ». Des alternatives de maîtrise des dépenses sont mises en place, mais les résultats obtenus ne sont ni immédiats, ni suffisants. « Plus les autres programmes de maîtrise des coûts produisent des résultats, plus nous pouvons baisser les objectifs de baisse de prix et mieux on se porte collectivement. La difficulté est que ces outils traditionnels ont du mal à produire autant d’économies que les contraintes fixées le veulent », explique Thomas Fatome.

› MÉLANIE MAZIÈRE

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3194