« Ce bon maillage des pharmacies à La Réunion permet de ne pas connaître de zones blanches malgré la complexité géographique de certaines zones de l’île », remarque Monique Lucine, présidente jusqu’en mai dernier de la délégation réunionnaise de la section E de l’Ordre des pharmaciens (1).
Installée sur la commune de Saint-Louis depuis une vingtaine d’années, dans le Sud de l’île, la pharmacienne reconnaît le dynamisme du secteur qui emploie 1 800 personnes : « La démographie ne cesse de croître ; aussitôt cédées, les pharmacies sont reprises rapidement, même si les fonds sont plus chers qu’en métropole. Pour les jeunes, c’est donc parfois compliqué de financer une installation. »
Mais, paradoxe, même si l’activité est rentable avec un chiffre d’affaires pour la moitié des officines de plus de 1,9 million d’euros (contre 1,7 million en métropole) (2), les banques sont parfois frileuses sur les emprunts quand l’apport n’est pas important. « Les pharmacies sont localement mal cotées auprès des banques sans doute suite à certaines affaires récentes de redressement judiciaire. » En effet, ces dernières années, des faits de fraudes massives et d’escroquerie à la Sécurité sociale commis par des pharmaciens ont défrayé la chronique sur l’île. « Nous regrettons que cela ait parfois semé le doute sur la profession, alors que la très grande majorité des professionnels fait correctement son travail », déplore Monique Lucine. Et reste incontournable dans le rapport aux soins, comme dans tous les autres territoires ultramarins où le pharmacien occupe un rôle clé dans le suivi et le conseil aux patients. « Par exemple, lorsqu’il y a une épidémie, telle celle du chikungunya qui a sévi fortement en 2005, notre présence est très importante. Nous servons de relais pour informer les patients et devons nous adapter notamment du côté des stocks. C’est le cas, cette année, avec l’épidémie de dengue qui est en cours depuis plusieurs mois. Nous ne constatons pas encore de rupture des anti-moustiques, mais c’est tendu. »
La gestion des stocks est évidemment l’un des problèmes numéro un de ces officines si loin des lieux d’approvisionnement. Même si la présence de trois grossistes couvre suffisamment le marché, les épisodes épidémiques sont redoutés. « Quand cela arrive, toutes les officines sont en tension car les prescriptions sont les mêmes et, en une semaine, ça peut manquer. Et ici, un réassort par cargo, en bateau, c’est un délai de deux mois. Par avion, une semaine. Mais bon, les ruptures restent très rares. »
S'adapter
S’adapter, voilà le maître mot d’une pratique quotidienne en Outre-mer. Ainsi, dans une île encore très marquée par la médecine traditionnelle, « nous sommes souvent amenés à prodiguer des conseils associés auprès de patients qui s’interrogent sur l’utilisation des médicaments et des plantes « péi » (locales). Nous vendons aussi des produits liés aux habitudes culturelles ». Comme des sachets de lactose pour un effet rafraîchissant, du beurre de cacao pour dégager un nez enrhumé, ou encore la fameuse crème « rourout » concoctée à base de la fécule d’arrow-root, une plante qui apaise les brûlures d’estomac. Sans oublier les flacons d’huile d’olive dite « Planiol » pour soulager le tanbav, les maux de ventre des nourrissons. « Nous proposons une huile commandée à une coopérative, dont l’équivalent pourrait peut-être être trouvé en grandes surfaces par les patients. Mais ils viennent ici, puisque c’est important pour eux de se la procurer en pharmacie, car c’est dans un cadre médical professionnel. » D’ailleurs, dans son officine, les deux associés encadrent une équipe de 10 salariés, choisis aussi pour leurs savoirs en phytothérapie ou micronutrition, des secteurs très plébiscités par les Réunionnais.
(1) Suite aux résultats des dernières élections de mai 2019, c'est Claude Marodon qui lui a succédé (voir son portrait dans notre édition du 23 mai).
(2) Rapport de l’Iedom, 2017.
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