Le Quotidien. - Début janvier, Marisol Touraine a lancé un plan d’action pour la rénovation de la politique vaccinale afin de rétablir la confiance. Le rapport Hurel remis alors, a indiqué clairement que le statu quo n’était plus possible en ce qui concerne la coexistence de vaccins recommandés et obligatoires en France. Des deux scénarios envisagés dans le rapport, pourquoi avoir fait le choix peu consensuel d’élargir l’obligation vaccinale ?
Pr Alain Fischer. - La levée de l’obligation fonctionne bien dans beaucoup de pays européens, notamment du Nord. Aujourd’hui en France, nous ne sommes pas en état de le faire. Une fraction de la population, minoritaire mais trop importante n’est pas vaccinée. Aujourd’hui, plus de 40 % des Français doutent de la sécurité des vaccins et en cas de levée de l’obligation, 20 % des 20-30 ans, qui sont les futurs parents, déclarent qu’ils ne feraient pas vacciner leurs nourrissons.
L’élargissement de l’obligation est proposé à titre temporaire, car l’objectif est d’arriver à terme à responsabiliser suffisamment la population et de pouvoir lever l’obligation. La vaccination doit auparavant devenir une valeur positive pour soi et pour les autres. Aujourd’hui, la priorité absolue, c’est d’assurer la protection de tous, des plus vulnérables et de ceux qui ne peuvent pas être vaccinés.
L’Académie de médecine avait préconisé de lever l’obligation mais d’introduire la notion de vaccins exigibles avant l’entrée en collectivité. Pourquoi ne pas avoir retenu cette option ?
D’un point de vue juridique, vaccins exigibles et obligatoires sont synonymes. Le Comité d’orientation (CO) rejoint l’avis de l’Académie de médecine. Sur le plan pratique, la notion d’obligatoire par rapport à celle d’exigibilité permet de se prémunir du risque lié au temps de latence de 0 à 3 ans avant l’entrée en collectivité obligatoire. Durant ces trois premières années de la vie, les enfants sont le plus vulnérables vis-à-vis de la coqueluche, du pneumocoque ou encore du méningocoque, et c’est durant cette période qu’ils ont le plus besoin d’être vaccinés.
Pourquoi était-ce nécessaire d’introduire une clause d’exemption, qui semble bien difficile à appliquer en pratique, comme le souligne MG France ?
C’est un compromis nécessaire pour rendre plus acceptable la fermeté de notre positionnement. Cette clause offre la possibilité aux parents qui resteraient très opposés de prendre la responsabilité par écrit de ne pas vacciner leur enfant. L’obligation vaccinale va déjà demander un énorme effort aux parents réticents. C’est une porte de sortie… et qui n’est pas définitivement fermée ! Ils sont encouragés à revenir en arrière et peuvent changer d’avis à tout moment.
Le phénomène doit rester marginal. On compte beaucoup sur l’effet dissuasif car cela va compliquer la vie des parents et engager leur responsabilité. Les structures de la petite enfance peuvent refuser d’accueillir les enfants non vaccinés. Si le recours à la clause prend trop d’ampleur et en cas de menace de santé publique, il est prévu que l’on puisse la suspendre. L’intérêt collectif doit primer.
Le rapport du comité d’orientation consacre un chapitre à la vaccination des professionnels de santé. Certains vaccins sont obligatoires, d’autres recommandés. Pourquoi ?
Les professionnels de santé doivent être proactifs et montrer l’exemple en ce qui concerne leur propre vaccination. Concernant les médecins, ils se vaccinent globalement plus que leurs patients, et seule une petite fraction hésite pour eux-mêmes.
Le problème vient plutôt que les professionnels de santé peinent à convaincre. Le CO fait la proposition de renforcer l’enseignement, à la fois pour la formation initiale et continue. Une attention particulière sera portée à la formation des médecins spécialistes concernant les règles de vaccination des personnes immunodéprimées.
La coexistence de vaccins obligatoires et recommandés vient du fait que le CO souscrit à la définition récente émanant du Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Pour qu’un vaccin devienne obligatoire pour les professionnels de santé, il doit prévenir une maladie grave comportant un risque élevé d’exposition pour le professionnel et un risque de transmission à la personne prise en charge, tout en ayant une balance bénéfice/risque favorable.
C’est ainsi que l’hépatite B et la rougeole sont des vaccins obligatoires. Les vaccins coqueluche, grippe et varicelle sont fortement recommandés. Pour la coqueluche par exemple, le vaccin n’est pas obligatoire car l’immunité conférée est limitée dans le temps et les données sur le profil de sécurité sont insuffisantes, en cas de doses répétées.
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