Présentée le 13 juin par le ministère de la Santé, la liste des 450 médicaments classés « essentiels » essuie de nombreuses critiques, tant de la part des sénateurs que des sociétés savantes, qui jugent les choix discutables et le processus de sélection opaque.
Dans le cadre de sa stratégie de lutte contre les pénuries et tensions d'approvisionnement, le gouvernement a présenté une liste de 450 médicaments essentiels, qui devront faire l'objet de mesures renforcées pour garantir au mieux leur disponibilité. Mais moins de deux semaines après sa publication, la liste semble faire l'unanimité… contre elle.
Ainsi, Sonia de La Provôté, sénatrice Union Centriste (UC) et présidente de la commission d’enquête du Sénat sur la pénurie de médicament, déplore un « manque de clarté » sur la constitution de cette liste, qu'elle juge également « incomplète ». Si la liste constitue un « premier jet », qui reste à « affiner », elle est loin d’être aboutie : la sénatrice constate que « la concertation n’a pas été suffisamment large » et critique « une absence de transparence ». Par exemple, la Haute Autorité de santé (HAS) n’a pas été consultée pour son élaboration. Selon la sénatrice, le gouvernement a failli dans le travail de dialogue avec les industriels et les sociétés savantes.
Du côté des sociétés savantes justement, les reproches pleuvent. La Société française de pharmacologie et de thérapeutique, s'interroge sur le « rationnel médical et scientifique à la base du processus de sélection, dans la mesure où de nombreux médicaments essentiels n’y figurent pas et que le choix de certains médicaments apparaît fortement discutable ». La SFPT cite notamment la fluindione, un anticoagulant qui fait partie de la liste, alors qu'il n'est plus prescrit depuis 2018, suivant un avis de l'ANSM. A contrario, la liste ne comprend qu'une seule molécule pour traiter la tuberculose, alors qu’il en faut trois, et aucun bronchodilatateur, essentiel dans le traitement de l’asthme.
D’autre part, une centaine de médicaments sont jugés comme redondants. Cinq spécialités indiquées dans la prise en charge du reflux gastro-œsophagien sont listées, alors qu'elles sont toutes substituables, selon Bernard Bégaud, expert en pharmacovigilance interrogé par « Le Monde », qui déclare que « si cette liste avait été relue correctement elle aurait été corrigée ».
La Société française de rhumatologie, elle, constate qu'elle « ne comporte aucune thérapeutique ciblée des rhumatismes inflammatoires (en dehors du rituximab), aucun AINS, aucun traitement anti‐ostéoporotique et aucun corticoïde injectable ».
La revue « Prescrire » la juge « non argumentée » et « établie sans méthode rigoureuse ». Elle dénonce la présence redondante de médicaments aux effets très proches, tandis que d'autres molécules de premier choix, comme l’ibuprofène (Advil ou autre) et le naproxène (Apranax ou autre), ainsi que des antiviraux utilisés dans l’infection par le VIH et dans l’hépatite B ou C sont absents. Un autre oubli de taille concerne les contraceptifs. « Prescrire » dénonce enfin la présence de médicaments inutiles, voire dangereux, en raison d’une balance bénéfices-risques défavorable, ainsi que quelques coquilles. De nombreux éléments qui traduisent « un certain amateurisme dans un domaine où l’exigence de qualité s’impose, dans l’intérêt premier des patients ».
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