Un entretien avec Bruno Maleine, nouveau président de la section A

« Je suis conscient que les pharmaciens portent un regard sévère sur l'Ordre »

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Publié le 23/06/2022
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Élu président de la section A du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens (CNOP) le 9 juin, Bruno Maleine aborde pour « Le Quotidien du pharmacien » quelques-uns des nombreux sujets d'actualité qui agitent la profession. Titulaire à Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne), conseiller ordinal, vice-président puis président du CROP d'Île-de-France, Bruno Maleine évoque également la question des relations, parfois difficiles, entre l'Ordre et les officinaux.

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Bruno Maleine : " les pharmaciens accordent de l'importance à leur institution ".
Crédit photo : DR

Le Quotidien du pharmacien :- Quel sera, selon vous, le sujet le plus important que vous aurez à traiter en tant que président de la section A ?

Bruno Maleine.- Le dossier prioritaire ce sont les difficultés pour recruter. Aujourd'hui on voit bien que même le plus connecté des pharmaciens, bien familiarisé aux sites de recrutement, a du mal à trouver. Le problème se situe au niveau du vivier, qui est insuffisant. On constate depuis déjà un moment une fuite des diplômés. Des pharmaciens « disparaissent » entre le moment où ils sortent de l'université et l'inscription au tableau de l'Ordre. À cela s'ajoute le fait que le nombre d'inscrits dans les facultés de pharmacie a été divisé par deux en quelques années.

Nous devons donc tout mettre en œuvre pour promouvoir la filière officine, montrer à quel point la transformation du métier s'est accélérée sur les trois dernières années. L'Ordre avait déjà mis au point une campagne de communication à destination du grand public, maintenant nous devons toucher en priorité les jeunes qui s'orientent vers les études médicales. La pharmacie a peut-être souffert d'une image néfaste ces dernières années à cause d'une orientation devenue trop commerciale. On a peut-être trop voulu ressembler à des réseaux de distribution. La crise du Covid a permis un retour aux fondamentaux. Aujourd'hui, on sait où se trouve la place du pharmacien.

Quels autres dossiers vous semblent prioritaires ?

L'engagement des pharmaciens dans la démarche qualité. C'est un objectif qui est partagé par la profession, maintenant il s'agit de transformer l'essai et de mettre en avant les outils qui sont à disposition. On sait désormais que la ROSP sera conditionnée à cette démarche qualité. La première action à mener c'est l'auto-évaluation, il faut que chaque titulaire fasse un état des lieux de son officine avant d'entreprendre toute action. Enfin, le troisième sujet qui à mon sens sera le plus important est celui qui concerne les nouvelles technologies. Le télésoin, la e-precription, l'intelligence artificielle… Il faudra s'en préoccuper dans les années qui viennent. Je ne suis pas trop inquiet sur ce dernier point car les pharmaciens ont été l'une des premières professions à s'informatiser. Nous utilisons déjà des outils (DP, DMP…) qui évoluent en permanence.

Avez-vous des doutes quant à la mise en place des nouvelles missions prévues par la dernière convention pharmaceutique ?

Je suis très confiant en ce qui concerne la vaccination. Nous sommes quand même passés par trois ans d'expérimentation pour la grippe, puis nous avons été impliqués dans la vaccination anti-Covid. Il y aura en revanche besoin d'accompagner les titulaires pour la réalisation des entretiens, qui sont chronophages et nécessitent une véritable organisation car il faut pouvoir continuer à assurer les missions du quotidien à côté. On voit que d'autres dispositions suscitent moins d'enthousiasme en revanche, comme c'est le cas de la dispensation à l'unité. Nous le pratiquons déjà pour les stupéfiants et j'ai toute confiance en la capacité de mes confrères à adapter les conditionnements aux prescriptions. Globalement, je pense que la priorité pour le pharmacien est d'insister après des patients sur l'importance de l'observance, c'est le meilleur moyen de veiller au bon usage. Je ne pense pas que délivrer le nombre exact de comprimés empêchera un patient de stopper son traitement avant s'il estime qu'il n'en a plus besoin.

La sérialisation est encore un sujet de tension chez de nombreux pharmaciens, que diriez-vous aux titulaires sur ce sujet ?

Il n'y a plus le choix, il faut s'y mettre. J'en suis passé par là dans ma propre officine. Sur ce sujet je pense qu'il faut rassurer les pharmaciens. Cela ne change pas notre exercice au quotidien, cela n'est pas compliqué à mettre en place. Cela peut même avoir un effet bénéfique sur la gestion des stocks. Avoir la certitude de ne pas avoir dispensé de fausses boîtes ce n'est pas une mauvaise chose non plus.

Comment jugez-vous les relations entre l'Ordre et les officinaux ?

Beaucoup de pharmaciens portent un regard sévère sur l'Ordre, j'en suis conscient. Pour moi, il y a toutefois un aspect positif à ce constat. Cela indique que les pharmaciens attendent quelque chose de leur institution, qu'ils y accordent de l'importance. Pour améliorer les relations avec les officinaux, il faut premièrement que l'Ordre soit au plus près de leurs préoccupations. Néanmoins, selon moi, on changera vraiment le regard qu'ont les pharmaciens sur nous lorsqu'on aura bien communiqué sur les missions qui sont celles de l'Ordre. Il y a souvent une confusion entre le rôle de l'Ordre et celui des syndicats. Les syndicats doivent défendre les intérêts des pharmaciens. Nous le faisons aussi mais nous avons avant tout une mission de service public, nous devons agir dans l'intérêt de la santé publique. L'Ordre souffre d'une image dont il a du mal à se défaire, mais je reconnais qu'au niveau de la communication nous pouvons nous améliorer.

Propos recueillis par Pascal Marie

Source : Le Quotidien du Pharmacien