Le Quotidien du Pharmacien. – Les Rencontres de l’USPO démarreront par une table ronde sur les enjeux de la nouvelle convention pharmaceutique à laquelle participera le directeur général de l’assurance maladie, Nicolas Revel. Quels sont-ils selon vous ?
Gilles Bonnefond. – Pour nous, cette négociation conventionnelle doit aboutir à une réforme structurelle de la profession, qui devra concerner à la fois le métier, la rémunération, mais aussi le réseau. Je souhaite obtenir une convention « ambitieuse ». Ambitieuse pour l’organisation des soins sur le territoire, pour les équipes de soins primaires, pour les pharmaciens et pour les patients. Je veux que l’on se donne les moyens de réussir. Pour cela, nous devons obtenir un contrat avec l’État, c’est-à-dire une enveloppe permettant de gérer l’ensemble de la rémunération des pharmaciens. C’est le préalable. La ministre de la Santé s’y est engagée en nous assurant qu’un accompagnement financier pluriannuel soutiendrait la prochaine convention avec l’assurance-maladie. Au-delà de ce contrat, nous avons aussi défini les priorités que nous souhaitons voir inscrites dans cette convention : la coordination des professionnels de santé entre la ville et l’hôpital, la prévention, l’accompagnement du sujet âgé et des patients chroniques. Il s’agit notamment de lutter contre l’iatrogénie et d’améliorer le bon usage du médicament. En pratique, cela peut se traduire par de nouvelles rémunérations sur objectifs de santé publique (ROSP), ou par des mécanismes plus directs et plus simples, par la mise en place d’un pharmacien correspondant choisi par le patient pour l’accompagner, ou encore par des services tels que l’intervention au domicile des malades ou la préparation des doses à administrer (PDA) pour les patients en ville ou en EHPAD.
Plus largement, comment voyez-vous évoluer le métier de pharmacien ?
Notre métier doit s’orienter davantage vers l’accompagnement du patient, la réalisation de bilans de médication, le suivi thérapeutique, voire l’éducation thérapeutique. Sans oublier la prévention et le dépistage pour lesquels nous sommes les mieux placés. Le pharmacien est en effet le professionnel de santé le plus accessible et le plus en contact avec les personnes non-malades. L’officinal a aussi un rôle à jouer face à l’arrivée de produits innovants et notamment dans l’évaluation de ces médicaments en vie réelle. C’est d’ailleurs le thème de notre deuxième table ronde. Et puis, bien sûr, le pharmacien doit s’impliquer dans le développement de la médication officinale, organisée comme un parcours de soins, en partenariat avec les complémentaires santé. Certaines ont déjà mis en place des forfaits annuels de prise en charge de médicaments, comme Klésia. Son directeur général, Christian Schmidt de La Brélie, viendra d’ailleurs nous présenter sa démarche.
Et la vaccination à l’officine ?
Cela fait aussi partie des évolutions possibles du métier. La polémique est repartie, mais il faut être intelligent et travailler avec les médecins. Car déjà, dans les endroits où il n’y a plus de médecin, il n’y a plus de vaccination ! C’est pour cela que je suis favorable à une expérimentation de la vaccination par les pharmaciens dans les zones déficitaires en praticiens, et seulement pour le vaccin grippe. Il s’agit d’être complémentaires et non concurrents. Car aujourd’hui, la couverture vaccinale recule dans notre pays.
Le budget de la Sécu pour 2017, qui sera débattu la semaine prochaine à l’Assemblée nationale, prévoit de nouveaux efforts sur le médicament. Dans ce contexte, le mode de rémunération actuel ne semble plus adapté. Quelle forme doit-il prendre ?
Aujourd’hui, tout le monde partage l’idée d’aller vers des rémunérations davantage liées à l’acte pharmaceutique. Par exemple, la dispensation d’une ordonnance doit être mieux rémunérée et nous défendons le principe d'un minimum de perception dont le montant pourrait être de 3 ou 4 euros. Pour mémoire, dans 28 % des dispensations, le pharmacien est rémunéré moins de 2,50 euros. C'est inadmissible. La validation d'une ordonnance est un acte intellectuel qui doit être rémunéré comme tel. Le minimum de perception doit être considéré comme un honoraire complémentaire permettant de compenser les insuffisances de la rémunération à la marge.
De même, la dispensation d'une ordonnance complexe doit également donner lieu à une rémunération spécifique. La complexité peut être liée au nombre de lignes, comme aujourd'hui, mais aussi au type de patient, ou à la catégorie du produit prescrit. Les interventions pharmaceutiques - qui conduisent à un refus de délivrance, un changement de posologie, à l’appel du médecin - doivent aussi être rémunérées.
Selon vous, l’honoraire d’un euro à la boîte doit-il être maintenu ?
Oui, on ne peut pas tout modifier. L’honoraire à la boîte a ses avantages et ses inconvénients. Il doit servir de base pour faire évoluer la rémunération. Mais cette évolution devra s’effectuer de façon progressive et sécurisée, c’est-à-dire que nous devons disposer d’une enveloppe globale permettant de compenser les écarts, si besoin. Quoi qu’il en soit, on ne pourra avancer sur cette question que si nous sommes unis.
Vous parlez d’unité. Avec cet objectif, vous venez de définir des chantiers prioritaires avec les autres syndicats, les groupements, l’Ordre et les étudiants. Quels sont-ils ?
Seules l’USPO et la FSPF négocieront la convention. Mais il est important d'échanger et de travailler avec tous les autres représentants de la profession. Nous savons très bien que si l’on définit des objectifs de santé publique, de substitution, des engagements dans la prévention, dans la e-santé, nous aurons notamment besoin des groupements pour mobiliser les confrères, comme ils l’ont fait au démarrage de la substitution générique. Trois chantiers prioritaires ont été retenus : l’amélioration des possibilités de négocier pour les groupements et, pour les titulaires, d'accéder à des prix compétitifs ; la réforme des études de pharmacien et de préparateur ; la création d’une plateforme commune. L'idée est d’harmoniser nos discours lors de nos rencontres avec les politiques en vue de l’élection présidentielle. C’est en étant unis et en portant des propositions communes que nous serons entendus. C’est à cette condition que nous pourrons faire évoluer la profession.
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