LES MÉDECINS de l’hôpital Bégin ont désormais le droit d’utiliser le favipiravir (T-705 commercialisé par Toyama Chemical), le TKM-100-802, aussi appelé TKM Ebola (Tekmira), et le ZMapp (Mapp biopharmaceutical Inc) pour traiter l’infirmière française, membre de MSF, infectée par le virus Ebola.
La patiente aurait même déjà bénéficié d’un de ces traitements expérimentaux, selon la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes Marisol Touraine qui s’est exprimée sur ce sujet vendredi matin sur RTL. Un arrêté paru vendredi matin au « Journal officiel » précise en effet que ces molécules pourront être utilisées lors d’une évacuation sanitaire de ressortissants dont l’État français a la charge. Selon le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’Institut thématique multi-organisme (ITMO) Microbiologie et maladies infectieuses, seuls le favipiravir et le TKM Ebola sont réellement disponibles en France. Il rappelle cependant que c’est surtout, « la qualité des services de réanimation qui permettra à des patients français de survivre. » L’injection de sérum de convalescent pourrait également être envisageable, selon le directeur de l’ITMO par ailleurs directeur de l’ANRS (France Recherche Nord et Sud Sida-HIV Hépatites) qui rappelle que « l’injection d’un tel sérum dans de bonnes conditions ne pose pas de problème en France, contrairement aux pays du sud. »
Évaluer le favipiravir sur le terrain.
« En mai, on estimait qu’Ebola ne posait pas de question de recherche… On s’était trompé », reconnaît Jean-François Delfraissy. Plusieurs projets de recherche transnationnelles sont en cours de lancement dont le plus avancé est un essai du favipiravir sur 60 patients recrutés dans trois centres guinéens à des stades précoces de la maladie. Le choix du favipiravir repose sur des impératifs opérationnels, et notamment sur son mode d’administration oral et sans grande disponible. Les discussions ont été serrées autour du caractère non randomisé de l’essai. Les investigateurs ne compareront finalement pas le favipiravir à un placebo, car cette solution est « très mal acceptée par les populations locales », selon le Pr Jean-François Delfraissy. Ce sera, en revanche, le cas de l’essai lancé tout récemment sur des singes dans le laboratoire P4 Jean Mérieux de Lyon. « Pour ce qui est de son efficacité contre le virus Ebola, le T-705 n’a jamais été testé sur le singe qui est le modèle de référence en matière de fièvre hémorragique », a expliqué au « Quotidien du Médecin » le Dr Sylvain Baize, qui dirige le centre national des fièvres hémorragiques virales de Lyon.
Screening à grande vitesse.
Au Centre international de recherche en infectiologie (Ciri) de Lyon, une plate-forme de screening de molécule sera également bientôt mise à contribution pour tester rapidement un grand nombre de médicaments existants. Ces molécules seront sélectionnées, non pas pour leur capacité à cibler les protéines virales, mais pour leur faculté à se fixer sur les protéines cellulaires nécessaires à l’interaction entre la cellule avec le virus. Enfin, l’entreprise de biotechnologie française Fab’Entech travaille sur un anticorps de cheval modifié pour améliorer la réponse à la maladie mais les premiers résultats ne sont pas prévus avant mars 2015.
La recherche de nouveaux outils diagnostiques.
Les nouveaux traitements ne sont pas la seule préoccupation des chercheurs. Le Pr Christian Bréchot, directeur de l’Institut Pasteur de Paris rappelle qu’il « n’existe pas de diagnostic rapide utilisable au lit du patient, ni d’outils de diagnostic différentiel » pour éliminer les autres pathologies comme la fièvre jaune ou le paludisme. Le laboratoire de virologie de Marseille dirigé par Xavier de Lamballerie et le CNR de Lyon mène en ce moment des travaux dans ce domaine particulier.
Enfin, une cohorte de rescapés d’Ebola sera bientôt constituée. « Ces patients doivent avoir des caractéristiques biologiques, immunologiques ou génétiques particulières. On va étudier, dans le cadre d’une bio banque, les clones de leurs lymphocytes B », détaille le Pr Jean-François Delfraissy.
Besoin d’une coordination au niveau mondiale.
Tous ces projets ont mis plusieurs mois à démarrer, faute d’une structure de réaction capable d’initier en urgence des projets de recherche translationnelle. La mise en place d’une telle structure, bien qu’envisagée depuis l’épidémie H1N1 de 2009, traînait un peu jusqu’à ce que la crise Ebola ne la relance et qu’une lettre de mission ne soit enfin envoyée au Pr Yves Lévy, le nouveau président de l’alliance Aviesan.
L’organisation sera chargée de préparer l’urgence en intercrise en montant des cohortes mockup et en anticipant les problèmes réglementaires, comme le temps de réaction de l’ANSM. « Deux centres de méthodologie et de gestion ont été mis en place, ajoute Jean-François Delfraissy. Un centre pour le nord dirigé par France Mentré, (unité Inserm « modèle et méthode d’évaluation des maladies chroniques », à Bichat NDLR), et un centre pour le sud, est dirigé par Arnaud Fontanet de l’Institut Pasteur. » Les personnels de ces centres appartiennent à l’Institut Pasteur, à l’INSERM, ou à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et seront mobilisables en cas de crise. « On pourra aussi disposer de cash rapidement : on doit pouvoir sortir de l’argent un 3 août sans être obligés de remuer la terre entière », espère le Pr Delfraissy. Une organisation similaire, baptisée Glopid, est également en cours de constitution au niveau européen, cordonnée par la fondation Mérieux. Les enveloppes budgétaires de ces deux structures ne sont pas encore décidées, mais on parle d’un budget d’environ 4 millions d’euros pour Glopid et de 3 millions pour la structure française.
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