La dispensation à l'unité (DAU) pourrait devenir obligatoire pour certains antibiotiques en tension d'approvisionnement. La mesure, qui devrait être présentée dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 (PLFSS), laisse perplexe les syndicats de pharmaciens, qui ont régulièrement dénoncé les limites de ce mode de dispensation ces dernières années.
Dispenser à l'unité des antibiotiques en tension d'approvisionnement ? Une idée qui n'est pas nouvelle et qui avait encore été préconisée l'hiver dernier par la direction générale de la santé (DGS) au sujet de l'amoxicilline. Fermement résolu à limiter le gaspillage des médicaments et à lutter contre les pénuries, l'exécutif serait donc cette fois décidé à aller beaucoup plus loin sur la dispensation à l'unité, malgré son impopularité chez les officinaux. L'information, révélée aux syndicats il y a plusieurs jours par le ministère de la Santé, a été annoncée au grand public le 20 septembre par « Franceinfo », citant une « source gouvernementale ». Les syndicats n'ont donc pas été surpris par l'annonce de ce projet, contre lequel ils se préparent déjà à lutter. « Nous nous sommes élevés contre cette mesure lorsque le ministère nous en a parlé, c'est une mauvaise réponse apportée à une bonne question », résume Pierre-Olivier Variot, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO). « Nous l'avons déjà répété à plusieurs reprises, la DAU est peu pertinente, hormis pour quelques cas spécifiques comme pour les morphiniques de type Skenan, abonde Philippe Besset. Ce qu'il faut faire, pour limiter le gaspillage des antibiotiques, c'est adapter le conditionnement selon la posologie », préconise le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
Pour prouver son inefficacité, Pierre-Olivier Variot cite l'exemple des formes pédiatriques d'amoxicilline, sur lesquelles des tensions particulièrement fortes ont été observées. « Un dosage amoxicilline pour adulte, on peut le couper en deux si l'on a besoin de deux comprimés de 500 mg par exemple. Quand c'est une version pédiatrique, on ne peut pas le faire, je n'ai aucun flacon, donc j'appelle le médecin pour lui demander s'il peut prescrire un autre antibiotique. Le problème est que cela entraîne des ruptures sur ces autres antibiotiques ! », explique le président de l'USPO. Une analyse que ne peut que confirmer Philippe Besset. « On a bien observé que les plus grosses tensions concernaient les formes pédiatriques, qui sont en flacon. On ne va pas délivrer le médicament à la cuillère. C'est bien pour cela qu'il est ridicule de proposer cette mesure aujourd'hui en ayant connaissance de ces éléments », fustige-t-il.
Pour Pierre-Olivier Variot, l'ambition du gouvernement d'imposer la dispensation à l'unité pour les antibiotiques en tension ne représente ni plus ni moins qu'un aveu de faiblesse. « Ils veulent lutter contre les pénuries mais ne trouvent pas les moyens d'y parvenir, cette mesure c'est de la poudre aux yeux, estime-t-il. On peut dire que la DAU marche dans d'autres pays, comme aux États-Unis, mais là-bas cela a toujours fonctionné ainsi et la boîte d'amoxicilline coûte 15 euros. En France, elle coûte 2 euros », rappelle-t-il avant d'évoquer les problèmes générés par la DAU en matière de traçabilité. « Découper les blisters, ce n'est pas la bonne réponse. En termes de traçabilité en numéro de lot, c'est une vraie galère », confirme-t-il.
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