Marisol Touraine avait déjà déclaré la guerre aux ruptures d’approvisionnement dans la loi de Santé (« Le Quotidien » du 14 décembre 2015). La ministre de la Santé poursuit son offensive dans un projet de loi dont le Sénat a été saisi le 5 octobre dernier.
L’article 2 de ce texte cible explicitement les grossistes-répartiteurs qui seront obligés « dans le cadre d’une expérimentation d’une durée de trois ans, de déclarer à un organisme tiers les quantités de médicaments qu’ils exportent ». Le ministère de la Santé rappelle que les grossistes-répartiteurs doivent en priorité fournir les officines. Il déplore « une hausse importante des ruptures d’approvisionnement », et ce, rappelle-t-il, en dépit des règles auxquelles sont contraints les acteurs de la répartition : obligation de disposer d’un stock de quinze jours et de détenir, à tout moment, de 90 % des références en stock. Le ministère souligne par ailleurs, que les grossistes répartiteurs étaient déjà soumis à une obligation déclarative*. Toutefois, cette disposition n’a jamais pu être appliquée, faute de convention tripartite.
Un texte partial selon la CSRP
Ce nouveau projet de loi ne serait-il qu’un moyen coercitif pour contourner les modalités de convention et recourir à un tiers de confiance ? À en croire les grossistes-répartiteurs, il s’agirait plutôt d’un procès d’intention. Le projet de loi les a d’autant plus surpris qu’ils n’avaient été ni prévenus, ni, a fortiori, consultés auparavant. « Nous avons eu connaissance de cette dernière version de ce projet de loi une fois que le Sénat en a été saisi », remarque Emmanuel Déchin, délégué général de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP). Il précise que ni les services, ni les cabinets respectifs « n’ont jugé opportun de nous prévenir ». Il annonce toutefois que « dans le cadre du processus législatif, nous avons l’opportunité de faire valoir notre position ».
Outre l’effet de surprise, ce projet de loi suscite l’incompréhension des grossistes-répartiteurs. Ils étaient en effet convaincus que les ruptures d’approvisionnement étaient désormais un sujet classé. « La loi Santé, et plus particulièrement le décret du 20 juillet 2016 ainsi que l’arrêté du 27 juillet 2016 fixant la liste des classes thérapeutiques contenant des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM), ont mis en place des dispositifs de lutte contre les ruptures d’approvisionnement. Ce projet de loi est donc totalement redondant », affirme Emmanuel Déchin.
Non seulement, le délégué général de la CSRP ne voit aucun intérêt à cette expérimentation, mais il y perçoit un contresens majeur. « L’article 2 de ce projet de loi laisse entendre que les grossistes-répartiteurs sont à l’origine des ruptures de stocks. Or notre profession veille à une largeur et une profondeur de stocks telle qu’elle permet de diviser par trois les ruptures de stocks ! Je ne vois pas en quoi une déclaration d’exportation des seuls grossistes-répartiteurs pourra limiter les ruptures », objecte Emmanuel Déchin. Il ne manque pas de remarquer que, dans son projet de loi, la ministre de la Santé omet de citer un acteur majeur de la chaîne du médicament, l’industrie pharmaceutique. Il ne saurait alors s’agir que d’une analyse partielle, sinon partisane, du phénomène des ruptures d’approvisionnement liées aux exportations.
* Loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 Art. 45.
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