À la date du 21 juin, plus de 90 % des officinaux français souffrent des ruptures totales ou partielles de corticoïdes à en croire les résultats collectés par l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO). En seulement 4 jours, plus de 600 pharmaciens ont répondu à la consultation mise en ligne par le syndicat et de nombreux pharmaciens ne se sont pas privés d'agrémenter leurs réponses de commentaires irrités. « C'est rare que l'on reçoive autant de réponses en un temps aussi court », témoigne un représentant de l'USPO.
La situation aurait-elle atteint un seuil critique ? Pas sûr, car les données de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), arrêtées au 14 juin, indiquent que seulement 8 des 31 références de prednisolone et de prednisone par voie orale ont une disponibilité « inférieure à la durée habituelle ». Si la crise a, semble-t-il, été plus prononcée il y a quelques semaines, confirme Gilles Bonnefond, président de l'USPO, l'enjeu n'est pas là. « Ces ruptures sont banalisées et certains s'en accommodent très bien. Nous ne voulons plus que ce problème soit considéré comme normal. Cela fait 8 ans que l'USPO alerte sur cette question, il faut plus de transparence et plus de responsabilités à tous les niveaux de la chaîne. »
« Chaque cas de rupture est différent »
Le 20 juin, l'USPO a pu faire part de ses revendications aux industriels du médicament (Leem et Gemme), lors d'une réunion organisée par l'ANSM. L'occasion d'évoquer les causes possibles de ces ruptures et les pistes pour y remédier, à quelques jours de l'annonce du plan du ministère de la Santé. La question des exportations, pratiquées par les laboratoires et les grossistes a, bien sûr, très rapidement émergé. « Si l'on pense que les tensions observées au sujet des corticoïdes sont liées aux exportations, alors on se trompe », estime Emmanuel Déchin. Le délégué général de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP) est étonné par les chiffres obtenus par l'USPO : « Plus de 90 % du réseau officinal en rupture totale ou partielle, cela me surprend. En termes d'approvisionnement, des signes d'amélioration sont perceptibles. Pour autant, la situation n'est pas satisfaisante, ni pour les pharmaciens, ni pour les patients. Chaque cas de rupture est différent. En ce qui concerne les corticoïdes, nous sommes face à un problème initial de fabrication qui a touché tous les exploitants. » Un dispositif interdit déjà d'exporter des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) en période de tension d'approvisionnement. « Nous sommes l'un des rares pays en Europe à avoir mis en place une réglementation de cette nature », tient-il à rappeler.
« Aucun problème avec les médicaments rentables »
« Ces ruptures concernent souvent des médicaments qui rapportent peu aux industriels, mais qui sont essentiels », souligne le professeur de pharmacologie à l'université de Bordeaux, Bernard Bégaud. Ce pharmacologue pointe ainsi peut-être l'aspect le plus sensible de la problématique : « On ne voit pas de rupture pour des médicaments de niche qui sont très rentables. » Le Pr Bégaud s'alarme surtout du fait que ces tensions d'approvisionnement soient de plus en plus fréquentes. Et ne se montre pas très optimiste. « Cela va revenir avec d’autres produits, car le problème de fond n’est jamais résolu », affirme-t-il, estimant que le problème repose en grande partie sur la délocalisation des sites de production, et sur le fait que « la production se fait à flux tendu : il suffit qu'un pays augmente sa demande en médicament, pour qu'on se retrouve très vite en situation de pénurie. »
Conseillère à l'USPO, Marie-Josée Augé-Caumon estime que la priorité est de faire en sorte que les informations circulent plus vite. « Le délai entre le moment où le problème survient sur le site de production et le moment où il est officiellement déclaré, est trop long. Ce qui laisse la possibilité de surstockage à tous les niveaux de la chaîne. Cette information devrait être, au contraire, communiquée à tous rapidement pour éviter ce phénomène qui contribue aux inégalités de répartition des stocks », suggère Marie-Josée Augé-Caumon. Et de révéler la production prochaine d'une note synthèse par l'ANSM visant à faire la lumière sur les responsabilités respectives des acteurs de la chaîne du médicament dans la crise des corticoïdes.
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