Marc Alandry, titulaire à Couiza, village de 1 200 habitants dans l’Aude, a remis le 10 octobre à Mireille Robert, députée de l’Aude et membre de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, une pétition de plus de 45 000 signatures en faveur du concept de « Pharmacie de premier recours ».
Les habitants de la Haute vallée de l'Aude, ses 2 426 maires mais aussi les professionnels de santé de la région, se sont ralliés à l’idée du pharmacien (voir « Le Quotidien du pharmacien » N° 3411). Il s’agit d’entériner et de viabiliser le rôle déterminant du pharmacien en tant que porte d’entrée dans le parcours de soins. Un rôle qu’il joue, aujourd’hui, souvent à titre officieux. « Le jeudi après-midi, aucun médecin n’est présent dans ma commune », expose Marc Alandry. Ne serait-ce qu’au cours de la semaine passée, il a dû faire face à deux AVC et deux occlusions intestinales.
Cette évolution du rôle du pharmacien est devenue incontournable dans des zones isolées où la permanence des soins ne peut plus être assurée de manière suffisante. La désertification médicale et la réduction du temps médical en sont la première cause. Toutefois, les médecins n’ont pas toujours déserté ces régions mais, en nombre insuffisant, ils doivent faire face à une importante surcharge de travail tout en effectuant des trajets complexifiés par la topographie.
Les pharmaciens font également les frais de cette sous-densité médicale. Nombre d’officines du secteur sont en difficulté, plus de 2 000 à l’échelle nationale jouent leur survie. Le concept de « Pharmacie de premier recours » repose sur une coopération du pharmacien, formé et équipé en téléconsultation, avec le médecin régulateur du SDIS. Une collaboration que Marc Alandry, pompier volontaire, entretient déjà depuis un certain temps. Il ne s’agit pas de se substituer aux médecins locaux mais, dans ces régions isolées, de faire gagner un temps précieux au patient en le faisant entrer le plus rapidement possible dans le parcours de soins. Le pharmacien disposera d’ailleurs des moyens d’information et de traçabilité pour documenter cette prise en charge.
Vers une nouvelle mission
Ce modèle qui n’était jusqu’à présent qu’à l’état de concept est sans doute promis à être appliqué au niveau régional, et peut-être même national. En effet, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) s’en est emparé afin de lui donner la dimension d’une expérimentation s’inscrivant à l'échelle d'une Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) (voir encadré).
Le dossier a été présenté le 11 octobre à Agnès Buzyn, par la députée Mireille Robert. Selon celle-ci, l’ARS s’était par ailleurs déjà déclarée favorable en juin dernier. « Nous sommes dans le deuxième département le plus pauvre de France et le premier département rural en matière de pauvreté. Nous sommes démunis de tout », argumente la députée.
Comme le décrit Philippe Besset, vice-président de la FSPF, l'expérimentation s'adressera aux 17 pharmaciens des deux communautés de communes de la Haute vallée de l'Aude, les Pyrénées audoises et le pays Limouxin, soit un bassin de vie de 45 000 habitants. Pour assurer cette permanence des soins non programmés, le pharmacien, formé et équipé en téléconsultation, sera rémunéré sur la base d'un forfait de 80 euros par jour. L'expérimentation, qui pourrait débuter dès mars 2019 pour une période de deux ans, donnera lieu à une analyse médicoéconomique. Le syndicat disposera alors d’éléments probants pour présenter le concept de « Pharmacie de premier recours » aux prochaines négociations conventionnelles, à l’automne 2021.
Si la « Pharmacie de premier recours » venait à être entérinée par la convention pharmaceutique, un autre coup d’envoi, national celui-ci, pourrait alors être donné à ces pharmaciens d’un nouveau type. Des titulaires d’autres régions montagneuses, mais aussi de zones périurbaines, ont déjà manifesté leur intérêt.
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