Les préjugés ont la dent dure mais le défi a été relevé. 119 patients souffrant de douleurs dentaires ont pu être pris en charge par l’une des cinq officines du nord de l’île d’Oléron entre juin 2023 et juin 2024. Tel est le premier bilan du Protocole de coopération local de la Maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) Oléron Nord, portant sur la prise en charge des douleurs et des abcès dentaires. Dans un cadre strict, l’accord donne des droits de prescription par délégation aux pharmaciens et infirmiers formés.
UN PROTOCOLE STRICT
Pour en arriver-là, la MSP a retravaillé un protocole de l’URPS Pharmaciens de Corse. Avec comme coauteur, son chirurgien-dentiste, enseignant universitaire, récemment arrivé sur l’île charentaise en provenance de la région de Bordeaux. « De plus, on y a inclus l’arbre décisionnel du centre 15 de Bordeaux qui bénéficie d’un dentiste régulateur », précise Mehdi Djilani, titulaire de la Pharmacie de Saint-Pierre à Saint-Pierre d’Oléron, membre de la MSP, et président sortant du réseau Totum Pharmaciens. Finalement, le texte détaille les critères d’inclusion – personnes de plus de 15 ans se plaignant d’une douleur dentaire non itérative- et 13 motifs d’exclusion comme la température supérieure à 39,5 °C, une grossesse, une insuffisance rénale etc. Il précise aussi le mode de partage des données (sur le DP/DMP, etc). Et surtout, il fixe deux dérogations : la possibilité de prescrire des antalgiques de palier 2 et des antibiotiques, conformément aux recommandations en vigueur.
Ces modalités font l’objet d’une formation, déposée à l’Agence régionale de santé (ARS). Au programme : de la physiopathologie dentaire (les différents types de douleurs, les signes à orienter aux urgences, pour reconnaître un abcès etc.) enseignée par le dentiste délégant, et de la pharmacologie. Au total, 12 pharmaciens et 2 infirmières ont été formés. Eux seuls (et non le reste de leur équipe) peuvent prendre en charge les patients dans le cadre du protocole. Et donc prescrire une ordonnance par délégation. Cette prescription inclut, selon les cas, un bain de bouche, un antalgique de palier 1 ou 2 et/ou un antibiotique. Pour cet acte, la MSP a décidé d’une rémunération à hauteur de 25 euros, dont 16 euros pour le pharmacien et 9 euros pour le dentiste délégant. « On lui transmet le compte rendu par message sécurisé », précise Virginie Paniego, également titulaire à Saint-Pierre d’Oléron.
DES RéSULTATS ENCOURAGEANTS
Aucun événement indésirable n’a été déclaré par les patients durant les 12 premiers mois. Au contraire, des touristes rappellent les pharmacies pour les remercier… Cette initiative unique, lancée sans communication, fait globalement consensus. « Cela fait bouger les choses dans le bon sens. Le dentiste délégant nous a même dit avoir été interrogé à ce sujet par son conseil de l’Ordre », confie Virginie Paniego. « À chaque fois qu’il a revu un des patients, il a eu une entière satisfaction de la prise en charge », complète Mehdi Djilani. Quant aux Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et MSP, elles sont nombreuses à solliciter le protocole. Convaincue par la démarche, la MSP Oléron Nord partage volontiers son document.
Mettre les bouchées doubles
Dans une perspective d’amélioration continue, le protocole a été affiné juste avant la saison estivale 2024. Depuis, une échelle visuelle analogique permet, grâce à cette évaluation par le patient de sa douleur de 1 à 10, d’aider à mieux définir le seuil permettant d’opter pour un antalgique de palier 2. De plus, si au début étaient exclus les patients ayant eu une antibiothérapie dentaire dans les trois mois précédents, désormais seuls ceux ayant déjà bénéficié du protocole dans cette période sont refoulés. Enfin, le nom du dentiste du patient et/ou son médecin traitant est maintenant sollicité pour lui adresser un compte rendu par messagerie sécurisée. Avec la délivrance de la codéine bientôt obligatoirement délivrée uniquement sur ordonnance sécurisée, la MSP va, à nouveau, plancher pour déterminer d’autres antalgiques de palier 2. Malgré cela, ses pharmaciens espèrent bien que les politiques s’emparent du sujet et qu’un tel protocole entre dans le droit commun. Avant cela, à Oléron, on réfléchit déjà à une solution dans le même esprit, cette fois pour les plaies de premier recours. Une demande à laquelle les officinaux de l’île font face chaque jour en été. Après avoir obtenu le sourire des dentistes, reste à convaincre les infirmiers.
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