Avec un virus réputé plus dangereux en recrudescence en Afrique et identifié en Europe, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a placé, le 14 août, l’infection par Mpox (anciennement variole du singe) en urgence de santé publique de portée internationale, son plus haut niveau d’alerte. Matignon a pris les rênes de la communication et la France se dit « prête ». Les pharmaciens, aussi.
Le virus Mpox circule-t-il en France ?
Quelques cas de Mpox de clade II sont régulièrement signalés en France depuis 2022 (entre 12 et 26 cas mensuels entre janvier et juin 2024), mais c’est un sous-type réputé plus létal et transmissible (clade 1b) qui inquiète la planète entière depuis son expansion récente en Afrique de l’Est et Centrale. Le 15 août, un cas de Mpox 1b a été identifié en Suède, puis un cas en Thaïlande le 22 août. La France, qui ne comptait au 30 août aucune contamination par le clade 1b, est en état d’alerte maximale.
Le nouveau variant de Mpox est-il plus dangereux ?
Lors de l’épidémie de 2022 (clade II), une minorité de cas (1 à 13 %) a été hospitalisée pour isolement, gestion de la douleur ou pour des complications, rapporte le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). Des cas mortels sporadiques ont été signalés et le taux de létalité global était inférieur à 0,1 %.
Si le clade I est connu pour être associé à des symptômes cliniques graves et à une mortalité plus élevée que le clade II, reste à définir le réel niveau de dangerosité du sous-variant Ib. « Ce n'est que récemment que nous avons découvert le clade Ib, qui se propage rapidement (...) mais nous ne sommes pas encore sûrs de sa gravité », rapporte un porte-parole de l’OMS lors d’un point presse le 20 août. « Le Mpox n'est pas le nouveau Covid », s’emporte le même jour son directeur Europe, Hans Kluge.
De son côté, la direction générale de la santé (DGS) rapporte que « les observations actuelles de l’épidémie de clade I en Afrique centrale font apparaître une létalité et une virulence supérieures à l’épidémie de clade II que nous avons connue en Europe en 2022. »
Transmission : halte aux idées reçues
La transmission s’effectue principalement par contact étroit, que l’OMS définit par « le contact peau à peau (le toucher ou les relations sexuelles, par exemple) et le contact bouche-à-bouche ou bouche à peau (les baisers), et également le fait de se trouver en face de quelqu’un (parler ou respirer à proximité et ainsi être en contact avec des particules respiratoires infectieuses) ». Les sécrétions respiratoires (postillons et microgouttelettes) sont cependant une « source mineure » de transmission, a précisé un porte-parole de l’OMS le 27 août.
La transmission est également possible par un contact avec des objets ou du linge contaminé. « Une personne qui les toucherait à son tour risquerait elle aussi d’être infectée si elle présente des coupures ou des abrasions ou si elle se touche les yeux, le nez, la bouche ou d’autres muqueuses avant de s’être lavé les mains », précise encore l’OMS. Le linge est donc lavé à 60 °C pendant 30 minutes avec la lessive habituelle.
Vers qui orienter le patient ?
Les personnes avec des symptômes évocateurs d’une infection à Mpox (voir encadré) doivent consulter leur médecin traitant ou, en cas de difficulté, peuvent appeler le SAMU-Centre 15 pour être orientées. Mpox est une maladie à déclaration obligatoire.
Que doit faire le malade ?
S’isoler ! L’isolement à domicile est prévu pour 3 semaines à partir de la date de début des symptômes mais peut être levé après avis médical, après 14 jours en cas de cicatrisation de toutes les vésicules avec chute des croûtes. Masque, aération, pas de contact avec l’entourage y compris les animaux de compagnie, sont de rigueur. S'abstenir aussi de rapports sexuels jusqu’à 21 jours après le début des symptômes, et si besoin au-delà jusqu’à cicatrisation complète des lésions. Le Haut Conseil de santé publique recommande également d’utiliser un préservatif lors des rapports sexuels jusqu’à 8 semaines après la fin de la guérison complète.
Une surveillance du patient ou autosurveillance est assurée en lien avec l’Agence régionale de santé (ARS), qui pilote le suivi de l’épidémie. Elle organise aussi le contact tracing.
Un traitement symptomatique disponible en ville
La prise en charge est ambulatoire, généralement. Le traitement est symptomatique.
Les lésions cutanées sont nettoyées à l'eau et au savon. Recouvrir d’un pansement ou d’un linge pour éviter de les gratter. En cas de surinfection bactérienne, désinfecter avec de la chlorhexidine et des antibiotiques sont prescrits si besoin. Lorsque les lésions sont au stade de croûtes, il est conseillé d'appliquer une pommade grasse.
Les anti-inflammatoires (AINS, corticoïdes, aspirine) sont contre-indiqués. Des anesthésiques locaux peuvent être prescrits en cas de douleurs localisées au niveau de l'anus ou de la bouche. Des bains de bouche ou de siège (bicarbonate de sodium) soulagent les douleurs.
Les antiviraux sont-ils efficaces ?
Les antiviraux sont instaurés en établissement dans les formes graves. Le tecovirimat, indiqué en première intention, fait partie du stock d’État stratégique, il ne passe pas par le circuit officinal.
Les résultats avec le tecovirimat s’avèrent cependant décevants sur le clade Ib : selon une récente étude co-menée par le Nation institutes of health (NIH) américain, l’antiviral n'a pas réduit la durée des lésions de Mpox chez les enfants et les adultes atteints de ce variant en République démocratique du Congo.
Le vaccin : pour qui ?
La Haute Autorité de santé (HAS) recommande une vaccination en post-exposition autour d’un cas confirmé avec administration d’un vaccin de 3e génération (Imvanex ou Jynneos) dans les 4 jours après le contact à risque, au maximum 14 jours.
En pré-exposition, le vaccin est recommandé aux personnes identifiées comme contacts à risque dont les professionnels de santé exposés sans mesure de protection individuelle ; les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH) ; les personnes trans rapportant des partenaires sexuels multiples ; les travailleurs du sexe ; les personnes travaillant dans les lieux de consommation sexuelle. On attend cependant une mise à jour des recommandations.
Le schéma vaccinal repose sur 2 doses espacées de 28 jours, ou 1 dose pour les personnes précédemment vaccinées contre la variole, 3 doses pour les immunodéprimés.
S’il faut vacciner plus en masse, on voit très bien que les CeGIDD seront trop justes. Le réseau officinal peut-être mobilisé
Grégory Tempremant, président de l’URPS pharmaciens des Hauts-de-France
Qui vaccine ?
« 232 sites de vaccination sont d’ores et déjà ouverts à travers le territoire. Et de nombreux autres seront disponibles », affirmait le 20 août Gabriel Attal. À savoir essentiellement des centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD), alimentés par les vaccins depuis l’épidémie de 2022. En ville, la vaccination est très limitée pour des raisons logistiques : les stocks de vaccins appartenant à l’État, un flux logistique d’environ une semaine « incompressible » est nécessaire pour alimenter les professionnels de ville, fait savoir le ministère de la Santé, et le vaccin ne se conserve que 14 jours au réfrigérateur.
Une poignée d’officines a été autorisée à vacciner contre le Mpox lors de la forte demande de 2022 mais « aujourd’hui, le dispositif a été arrêté, indique Grégory Tempremant, président de l’URPS pharmaciens des Hauts-de-France. S’il faut vacciner plus en masse, on voit très bien que les CeGIDD seront trop justes. » L’URPS s’est mise à la disposition de son ARS. « Le réseau officinal peut-être mobilisé », indique encore président de l’URPS. Et il serait utile : depuis cet été, la Pharmacie de Négreneys à Toulouse a vu les demandes de vaccination exploser : entre 20 et 30 par semaine, alors que les demandes s’étaient taries après la vague de 2022.
Mpox : des symptômes à reconnaître
L’infection par le virus Mpox est essentiellement marquée par une éruption de vésicules qui évoluent vers le dessèchement, la formation de croûtes puis la cicatrisation. Elle débute souvent par une combinaison de fièvre, maux de tête, frissons, épuisement, asthénie, lymphadénopathie, maux de dos et douleurs musculaires. L’éruption vésiculeuse se concentre plutôt sur le visage, dans la zone anogénitale, les paumes des mains et plantes des pieds, mais également sur le tronc et les membres.
Les symptômes peuvent apparaître après une période d’incubation de 5 à 21 jours (le plus souvent 6 à 13 jours). La période de contagiosité commence dès l'apparition des premiers symptômes et jusqu’à la cicatrisation des lésions. La guérison se fait généralement spontanément en 2 à 4 semaines, avec la formation de croûtes.
A la Une
Gel des prix sur le paracétamol pendant 2 ans : pourquoi, pour qui ?
Salon des maires
Trois axes d’action pour lutter contre les violences à l’officine
Gestion comptable
Fidéliser sa clientèle ? Oui, mais pas à n’importe quel prix
Portrait
Jérémie Kneubuhl : le pharmacien aux 50 millions de clics