C'était une première. Réunis le 25 juin en pré-congrès à Lille, les pharmaciens ont pu échanger en direct avec les médecins généralistes participant au congrès de leur syndicat MG France qui se tenait le même jour à Dijon. « L'arrivée du pharmacien référent fait écho, pour les adhérents de MG France, à une histoire déjà ancienne, celle de la création, en 2004, du médecin traitant (MT) », a souligné en guise d'introduction le Dr Jacques Battistoni, ex-président de MG France. Et de poursuivre la comparaison : ces statuts sont tous deux appuyés sur les mêmes principes, une relation de confiance avec le patient et le déclenchement de la rémunération d'un travail informel inscrit dans le cadre conventionnel. Des similitudes, certes, convient Philippe Besset, mais aussi quelques différences : « Alors que le médecin traitant est nommément désigné, lorsque le patient choisit son pharmacien référent, il choisit une officine, pas un professionnel. » De même, le pharmacien référent ne sait pas si son patient a un médecin traitant, fait remarquer le président de la Fédération des syndicats de pharmaciens de France (FSPF). « L'information, pour nous de qui est le MT, et pour vous de qui est le pharmacien référent - devrait être immédiate pour ouvrir le dialogue entre professionnels. »
Identifier les professionnels référents
L'un des axes d'intervention important du pharmacien référent concerne la sortie du patient de l'hôpital. « Il faut que les établissements connaissent le pharmacien référent pour lui transmettre l'ordonnance de sortie », estime Philippe Besset. Sur ce sujet comme sur d'autres, l'identification du professionnel désigné semble un point sensible pour les deux professions. « Il est indispensable pour nous de savoir qui est le pharmacien référent », insiste ainsi Jacques Battistoni, qui ne veut pas voir ses patients bénéficier de trois bilans partagés de médication (BPM) dans trois officines différentes. Tant sur les bilans de médication que sur le suivi des AVK, Philippe Besset reconnaît que les pharmaciens ont un peu de mal à s'y mettre. « Notamment à cause d'outils informatiques peu pratiques, explique-t-il. Heureusement, le Ségur du numérique devrait aider à lever cette difficulté, par exemple en intégrant nos BPM de façon très simple dans vos fiches patients », propose le président de la FSPF à ses confrères médecins.
Une prescription conditionnelle après test ?
Sur les soins non programmés, le débat monte d'un ton. « Sur l'aigü, toutes les pharmacies sont concernées, il n'est plus ici seulement question des pharmaciens référents », précise Philippe Besset. « Les patients entrent chez nous et nous font des demandes. Et nous, pharmaciens, sommes des machines à dire " non ". C'est très perturbant », déplore-t-il. Un exemple ? L'usage des bandelettes urinaires et des TROD angine à l'officine. Dans la majorité des cas l'antibiothérapie n'est pas indiquée et il revient au pharmacien d'orienter vers le médecin en cas de test positif. Mais hormis le paracétamol, l'officinal ne peut rien délivrer. « Pourquoi ne pas instituer une prescription conditionnelle en pharmacie, à l'image de celles de Paxlovid rédigées de bon droit par les médecins ? » suggère le président de la FSPF. « La demande des pharmaciens à pouvoir apporter une solution (Monuril en cas d'infection urinaire, N.D.L.R.) est légitime », consent Jacques Battistoni. Un avis pas vraiment suivi à Dijon par l'auditoire de prescripteurs. Ainsi l'un d'entre eux souligne avec un poil d'ironie, « l'antibiothérapie n'est pas une prescription systématique sur une angine à streptocoque. Le pharmacien risque de surprescrire. Ce serait un retour 30 ans en arrière ! Idem sur les conjonctivites, le plus souvent virales et aiguës, l'antibiotique n'est pas toujours nécessaire ». « Nous sommes les gardiens des poisons, veut rassurer Philippe Besset. Ce que nous évaluons, c'est la situation, pour pouvoir orienter le patient. »
À Lille, les congressistes apprécient bien peu la remise en cause du MG. « Que faire quand un patient arrive à l'officine avec une infection urinaire ou une angine à strepto et que le premier rendez-vous médecin est 10 jours plus tard ? » interpelle un titulaire savoyard. « Il y a 20 ans, nous étions entourés de médecins. Ce n'est plus le cas aujourd'hui », confirme Philippe Besset. Les pharmaciens frustrés de ne pouvoir délivrer les antibiotiques salvateurs ? « Nous aussi sommes frustrés de ne pouvoir faire de vaccination au cabinet, ou de donner le médicament quand le patient doit faire 50 km pour accéder à la pharmacie », répond un médecin de l'auditoire dijonnais. Pour Philippe Besset, ce problème est clairement identifié : « Le vaccin fait l'objet d'un ticket modérateur, vous pouvez l'obtenir en officine pour usage professionnel, mais vous devrez vous acquitter des 30 % du prix. C'est à vous, médecins, de mener le combat pour obtenir une prise en charge à 100 % dans le cadre d'un usage professionnel. »
Téléconsultations : gare aux prescriptions venues de l'étranger
Autre sujet de friction, la présence des cabines de téléconsultation dans les pharmacies fait grincer les dents de certains médecins. Interpellé sur le sujet, Philippe Besset rappelle : « L'avenant n° 9 de la convention médicale prévoit qu'une téléconsultation remboursable déclenche un forfait d'assistance de 5 euros pour le pharmacien. » Mais ce cadre conventionnel n'évite pas certaines dérives, reconnaît-il. « J'ai conscience qu'il y a eu quelques dévoiements de ce système à l'occasion de la crise du Covid. Un " open bar " s'est créé qu'il vous appartient de régulariser ou pas dans le cadre de votre prochaine convention. »
Les difficultés se concentrent sur les prescriptions venues de l'étranger : les « prescriptions smartphone », comme les appelle Philippe Besset. « Voilà pourquoi, explique-t-il, j'ai demandé au directeur de l'assurance-maladie que la e-prescription concerne en priorité les téléconsultations. » Pour le président de la FSPF, l'équation est simple : téléconsultation = e-prescription.
Enfin, sur le sujet de la consultation de prévention prévue à 25, 45 et 65 ans, les deux présidents de syndicats semblent en phase. « Cette démarche doit s'ouvrir avec les autres professionnels de santé », estime Jacques Battistoni. « Nous avons intérêt à coopérer », confirme de son côté Philippe Besset. Ce sera l'occasion d'un accord conventionnel bipartite entre médecins et pharmaciens,propose-t-il. « Merci pour cette idée », relève l'ex-président de MG France dans un sourire qui augure d'un bel avenir conventionnel.
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