Matignon a voulu prendre la température de l’humeur des pharmaciens, le 23 mai, en recevant les syndicats représentatifs pendant une heure et demie, pour évoquer les sujets qui inquiètent la profession. En premier lieu, le « rapport Ferracci », texte fantôme du nom du député Marc Ferracci (Renaissance) qui alimente toutes les rumeurs, et qui viserait notamment à libéraliser la vente en ligne des médicaments. Matignon n’en a pas vu la couleur non plus. « Les conseillères du Premier ministre nous ont confirmé que le gouvernement n’avait commandé aucun rapport à qui que ce soit et que le gouvernement n’avait pas pour projet de faire une loi de dérégulation des professions réglementées à l’automne comme cela a été dit », rapporte Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), à l’issue de l’entretien. Mais « Monsieur Ferracci s’est autosaisi du sujet et prépare un projet de loi sur la dérégulation des professions réglementées dont la pharmacie peut faire partie, complète Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Le projet de loi sera déposé a priori à l’automne et pour l’instant, ils n’ont pas les textes ».
Le « rapport Ferracci », texte fantôme du député éponyme (Renaissance) alimente toutes les rumeurs
Au cœur du sujet, la dérégulation des professions réglementées, avec un volet concernant la pharmacie via la vente en ligne des médicaments. L’entretien à Matignon a été l’occasion pour les syndicats d’exposer leurs craintes et de rappeler leur position : « Les stocks déportés, c’est non ! » répète Philippe Besset. « C’est la porte ouverte à un Amazon de la pharmacie », redoute Pierre-Olivier Variot. Réponse du cabinet du Premier ministre : « On pense effectivement à faciliter la vente des médicaments sur internet. On ne veut pas toucher au maillage, mais on ne s’interdit rien et on ne peut pas vous rassurer sur les points qui pourraient vous inquiéter », rapporte le président de l’USPO. Mais pourquoi toucher à la vente en ligne des médicaments ? « Ce n’est pas un problème d’accès au médicament, on a le meilleur accès en Europe, il y a des pharmacies partout en France, il faut juste les maintenir, argumente Philippe Besset. Est-ce alors pour baisser le prix des médicaments ? Mais nous, syndicats, portons le projet des groupements de renforcer les centrales d’achats des pharmaciens pour faire baisser les prix de tout le monde, que ce soit en ligne ou hors ligne ! À condition que les lois évoluent. »
Plus rassurant, Matignon a par ailleurs affirmé être dans une démarche de lutte contre la financiarisation, une ligne rouge qu’il ne souhaite pas dépasser.
Gagner le soutien de l’opinion publique
Autre sujet qui fâche, les revalorisations économiques proposées par l’assurance-maladie lors des négociations conventionnelles, qui, selon le président de l’USPO, sont « clairement insuffisantes pour permettre au réseau de ne pas souffrir et de ne pas crever ». Aux conseillères de Matignon qui s’inquiètent du maillage officinal, il a averti : « Si on veut garder un réseau efficient de pharmacies sur tout le territoire, il faut que l’État mette de l’argent sur la table. » Matignon refuse pour l’instant de s’en mêler. Dans la soirée du 23 mai, l’assurance-maladie a présenté sa deuxième proposition aux syndicats.
Une proposition encore insuffisante pour la FSPF, qui a, dans la foulée, refusé de la signer et demandé à renégocier. À l’heure où nous bouclons, l’USPO ne s’était pas encore prononcé. Mais l’effort économique demandé par la profession dès 2025 n’était toujours pas là. Pour les syndicats, la mobilisation du 30 mai est donc importante et doit être massive, notamment à Paris où le cortège de manifestants s’arrêtera à Bercy et espère rencontrer le ministre de l’Économie ainsi que la ministre déléguée aux PME.
« L’autre enjeu, c’est avoir la population avec nous », poursuit Philippe Besset. Le sujet majeur de cette journée du 30 mai, celui qui permettra d’embarquer l’opinion, « c’est l’accès au médicament : c’est la présence de pharmacies partout dans les territoires et c’est l’arrêt des ruptures de stock de médicament ». Et sur ce sujet-là, les syndicats n’ont pas obtenu beaucoup de réponses de Matignon non plus.
Regarder le verre à moitié plein
Pour autant, « l’avenir du métier est devant nous. On a encore un maillage, il faut faire en sorte qu’il reste. Notre principale mission est de faire de la pharmacie un hub de santé dans les territoires », a exposé Pierre-Olivier Variot, lors de la Journée nationale de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) pharmaciens d’Île-de-France, le 23 mai. Dépistage, télé-expertise, vaccination, prévention ou encore bon usage du médicament sont les prochains leviers. Et l’interpro, aussi : « Les médecins ont conscience de la nécessaire collaboration à avoir avec les pharmaciens, autour du patient. Nous voulons aller dans ce sens-là sauf qu’on est encore au B.A-BA. Pour qu’on puisse travailler ensemble, il faut qu’on puisse communiquer, avoir la même base de données », a résumé le Dr Bertrand De Rochambeau, vice-président de l’URPS médecins d’Île de France, reprochant au Dossier médical partagé (DMP) son manque de lisibilité.
« L’avenir du métier passe par la proximité, ajoute Philippe Besset. L’essentiel de notre identité passe par l’idée d’être une porte ouverte sur le système de santé partout sur le territoire, avec des professionnels de santé qualifiés, et de plus en plus qualifiés, qui puissent faire le couteau suisse de la santé et effectuer l’accueil et l’orientation vers la bonne personne. »
« On a plein de projets en vue, mais à l’État de nous aider pour les concrétiser », conclut Pierre-Olivier Variot.
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