Originaire de la région parisienne, le Dr Marion Bethmont a repris seule le cabinet médical de Mainsat, un village d'environ 570 habitants situé dans le deuxième département le moins peuplé de France, la Creuse. Un département qui, avec 318 médecins pour 100 000 habitants, fait partie de la longue liste des déserts médicaux. « J'étais en contrat de collaboration avec les deux médecins qui aujourd'hui ont pris leur retraite, la région m'a plu, alors je suis restée. » Grâce à la décision du Dr Bethmont, Mainsat a sauvé son cabinet médical. La jeune généraliste a officiellement pris ses fonctions le 1er octobre. « Le lendemain de la fermeture de la pharmacie, précise-t-elle. Nous avons appris fin août que la titulaire cessait son activité, un gros coup de massue pour les habitants et un peu pour moi aussi. Cela ne m'a pas amené à revenir sur ma décision de m'installer mais le fait de ne plus avoir de pharmacie cela risque de dissuader un deuxième médecin de venir travailler ici », redoute déjà le Dr Bethmont.
En Creuse, 3 fermetures d'officine en 3 ans
Baisse du chiffre d'affaires et difficultés pour trouver des remplaçants pour les vacances et les dimanches… deux raisons qui ont poussé de nombreux pharmaciens installés dans des territoires ruraux à partir sans trouver de successeur. « Depuis 3 ans, une officine creusoise ferme chaque année, confirme Axel Méglinky, membre du Conseil de l'Ordre des pharmaciens de Nouvelle-Aquitaine et titulaire d'une officine située à une dizaine de kilomètres de Mainsat. Beaucoup de mes confrères du département sont proches de la retraite. On voit bien qu'il y a une pénurie de personnel en pharmacie et pas seulement en Creuse. Ici, des fermetures d'officine il y en aura d'autres dans les années qui arrivent », annonce-t-il déjà.
La livraison comme seule solution
Les pharmaciens du secteur de Mainsat et les autres professionnels de santé de la région ont rapidement dû trouver des solutions pour éviter que les habitants du village, en particulier ceux qui sont âgés et sans solution pour se déplacer, n'éprouvent des difficultés pour récupérer leurs médicaments. « Il n’y a rien qui existe aujourd'hui dans la loi pour ouvrir une annexe de pharmacie et quand bien même, il faudrait trouver un pharmacien pour assurer quelques heures de présence par semaine, donc ce serait très compliqué », observe Axel Méglinky. Le Dr Bethmont, elle, s'est demandé si elle pouvait devenir propharmacien. « Je suis seule, je viens de m'installer, il aurait fallu faire une extension au cabinet parce qu'actuellement je n'ai pas l'infrastructure pour le faire… Et puis je n'étais même pas sûre d'y être autorisée car il y a quand même plusieurs pharmacies dans un rayon de 10-15 kilomètres. » Alors, une solution évidente a rapidement été mise en place. « La plupart des officines de la région font déjà des livraisons, à domicile ou chez les infirmières. Une préparatrice qui travaille avec moi et habite à Mainsat se charge des livraisons pour le village. On a pu commencer dès les premiers jours après la fermeture de l'officine, aucun patient n'a dû interrompre son traitement », souligne Axel Méglinky. Le pharmacien a souvent pu échanger avec David Schmidt, le maire (SE) de Mainsat, qui s'est chargé d'informer ses administrés des possibilités qui s'offrent désormais à eux, notamment en organisant une réunion publique il y a quelques jours. « Je ne peux solliciter moi-même les patients », rappelle en effet l'officinal.
Le sentiment d'impuissance du maire de Mainsat
Selon le Dr Bethmont, les habitants de Mainsat commencent à accepter l'idée de vivre sans leur pharmacie de proximité. « Au début, ils étaient très stressés par cette nouvelle, maintenant j'ai l'impression qu'ils commencent à s'y faire. » Pour le maire de Mainsat en revanche, la pilule a encore du mal à passer. « Le drame dans cette histoire c'est qu'à mon niveau je ne peux rien faire. Désormais, même si j'arrive à trouver un pharmacien qui veut s'installer ici, il n'aura pas le droit de reprendre l'officine », se désole l'élu qui estime que les règles en matière d'ouverture des pharmacies ne sont plus adaptées au contexte rural. « En Creuse, il n'y a que 3 villes qui comptent plus de 2 500 habitants. Si des pharmacies ferment dans toutes les autres communes, elles ne pourront pas rouvrir non plus, alerte-t-il. Quand une pharmacie disparaît dans un village comme le nôtre, l'impact est incroyable. Cela a des répercussions sur les autres commerçants, sur les artisans. Comment fait-on ensuite pour attirer de nouveaux habitants ? » L'élu estime enfin que le portage à domicile n'est pas une solution pérenne. « C'est une solution qui ne nous offre aucune garantie. Si les pharmaciens décident de ne plus le faire dans 3 mois, comment on fait ? », interroge-t-il.
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