En progression constante depuis des années, les ventes de substituts nicotiniques devraient profiter, une fois de plus, des dernières annonces de lutte contre le tabagisme qui pourraient faire du pharmacien un prescripteur de traitements nicotiniques de substitution (TNS).
Pour faire suite au programme national de lutte contre le tabac 2018-2022 (PNLT) , un nouveau programme pour la période 2023-2027 a été annoncé en novembre dernier par Aurélien Rousseau, alors ministre de la Santé. Afin de lutter contre le fléau du tabagisme responsable de 75 000 décès par an, pour un coût social annuel estimé à 156 milliards d’euros en 2019, de nombreuses mesures ont été prises : prix du paquet de cigarettes porté à 13 euros d’ici 2027, généralisation des espaces sans tabac, interdiction des cigarettes électroniques jetables (puffs) et limitation des arômes dans les produits de vapotage ainsi que renforcement de l’accompagnement des fumeurs vers l’arrêt.
Ce dernier engagement du nouveau PNLT devrait avoir des effets directs sur le marché des substituts nicotiniques. En effet, il prévoit notamment l’amélioration de l’accès aux traitements nicotiniques de substitution (TNS) en expérimentant la prescription directe de ces produits par les officinaux. Déjà présente dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, la mesure s’inscrit dans un cadre plus large qui vise à renforcer l’accompagnement individualisé du fumeur vers l’arrêt.
« La bi-thérapie, associant un dispositif transdermique à une forme orale, est de plus en plus prescrite. »
Mathilde Calmes, responsable marketing OTX chez Pierre Fabre
Le levier de la prescription
Pour Anaïs Varago, responsable de la gamme Nicorette au sein du département Sevrage tabagique chez Kenvue, la prescription des substituts à l’officine est un moyen d’améliorer l’accès aux traitements dans un contexte où la pénurie de médecins et les déserts médicaux s’aggravent. Elle permettra aussi de mieux informer les patients, « 27 % d’entre eux ignorant la possibilité de prise en charge des TNS ». Mathilde Calmes, responsable marketing OTX chez Pierre Fabre (NicopatchLib et Nicopass), estime pour sa part que « le médecin garde un rôle majeur dans la prescription des substituts mais le pharmacien peut, par ses compétences, apporter une réponse complémentaire afin d’améliorer la prise en charge du sevrage ». Si l’on considère la part (89 % en valeur, en hausse de 12 %, source IQVIA Pharmastat) qu’occupent les produits remboursables dans les ventes de TNS, on ne peut ignorer le rôle majeur que joue la prescription sur le marché. « Elle représente 80 % des volumes de dispositifs transdermiques vendus mais seulement 48 % des formes orales. »
Les deux types de statut, remboursable et non remboursable, des produits présentent un intérêt pour le patient qui n’a pas toujours la possibilité de consulter un prescripteur, estime Rym Bergaya, responsable marketing du pôle OTC chez Haleon. L’innovation dans les formes orales est une priorité pour la gamme Nicotinell (patchs, comprimés à sucer, gommes à mâcher) qui annonce le lancement d’un spray buccal (1 mg par dose) en mars prochain. « Nomade et efficace, le spray soulage le manque de nicotine en 30 secondes. C’est une réponse supplémentaire dans l’accompagnement au sevrage que propose le pharmacien, une démarche que nous soutenons aux moyens de fiches posologiques et d’outils digitaux. »
Parmi les principaux segments du marché, patchs et pastilles à sucer sont les plus dynamiques
Les ventes toujours en hausse
Les dernières décisions du nouveau PNLT, qui visent plus particulièrement les 12 millions de fumeurs quotidiens que compte le territoire - soit 25 % des Français entre 18 et 75 ans (en 2021, source OFDT*), viennent renforcer les dispositifs déjà en place tels que le remboursement à 65 % des traitements d’aide à l’arrêt du tabac prescrits, la hausse régulière du prix du tabac, le programme d’accompagnement Tabac Info Service (renforcé par le nouveau PNLT), la campagne Mois Sans Tabac en novembre…
Des mesures qui se reflètent dans les chiffres de vente du tabac (source OFDT) qui, en France métropolitaine, ont baissé de 6,6 % en 2021 et de 6,3 % en 2022 (-4,9 % pour les cigarettes, -13,3 % pour le tabac à rouler) même si les autres formes de tabac à fumer, comme le tabac chauffé, ont fortement augmenté (+9,5 %). Dans cette logique, les ventes de TNS ne font que progresser, gagnant 4,6 % en volume pour l’année 2022 et 10,7 % en 2023 (source IQVIA Pharmastat). Parmi les segments principaux du marché, tous en hausse, les patchs/timbres (40 % des ventes en valeur) et les pastilles à sucer (21,5 %) sont les plus dynamiques, évoluant respectivement de 13 % et 18 % (volume et valeur). Les gommes à mâcher (24,8 % du marché en valeur) et les comprimés sublinguaux (8,4 %) progressent de 8 % et 7 % là où les sprays, plus confidentiels, chutent de plus de 30 % en volume et valeur. « La bi-thérapie, qui associe un dispositif transdermique à une forme orale, est de plus en plus prescrite », poursuit Mathilde Calmes, insistant sur l’accompagnement nécessaire des patients en sevrage.
Un accompagnement digital
Dans ce sens, le laboratoire Pierre Fabre a collaboré à l’application mobile grand public KWIT vouée à faciliter le suivi du traitement patient grâce à un tableau de bord synthétisant les données à partager avec le professionnel de santé. La marque Nicorette, pour sa part, avait présenté en avril dernier un spray, Nicorette Spray Connect, connecté à une application de suivi de consommation (Nicorette Spray et cigarettes) agrémentée de diverses fonctionnalités. Le dispositif conforte une gamme composée de patchs NicoretteSkin, de gommes, de comprimés sublinguaux Microtab, comprimés à sucer et inhaleur. D’autres marques comme Niquitin (dispositif transdermique, gomme à mâcher, comprimé à sucer et comprimés NiquitinMinis) chez Perrigo viennent compléter le rayon des substituts nicotiniques.
*Observatoire français des drogues et des tendances addictives
Conseils d'expert…
Stéphane Robinet
Ex-titulaire, pharmacien en centres de soin d’accueil et prévention en addictologie (Strasbourg, Colmar)
Le Quotidien du Pharmacien. – Comment l'officine pourra-t-elle assurer au mieux l’accompagnement individualisé du fumeur ?
Stéphane Robinet. – L'officine est le premier maillon de la chaîne dans l'accompagnement du sevrage. Dans un espace dédié, l'entretien avec le patient commencera par un test de Fagerström afin d'évaluer sa dépendance au tabac. Dédramatisez la situation en expliquant que l'objectif premier est de supprimer la consommation des substances nocives issues de la combustion du tabac sans priver l'individu de nicotine qui est l'élément le plus addictogène du mélange. La nicotine n'est pas dangereuse à dose thérapeutique, elle est même la solution qui va, au départ, permettre de supprimer la dépendance à la fumée. Ensuite, vous pourrez présenter les différents types de substituts en proposant à la personne de tester des échantillons avant de la rencontrer lors d'un second entretien.
Quels conseils essentiels délivrer pour favoriser l'observance des TNS ?
Pour assurer la meilleure efficacité au sevrage, on conseille d'associer un patch ou timbre transdermique (différents dosages par 16 heures ou 24 heures) à une gomme (2 ou 4 mg), une pastille à sucer ou un comprimé. Les formes cutanées permettent une libération prolongée de la nicotine tout au long de la journée. On commence par un patch à dosage élevé, afin de saturer les récepteurs du cerveau qui commandent le besoin, quitte à diminuer par la suite. Si, malgré tout, survient un pic d’envie, on associe au traitement une forme orale qui, au travers des muqueuses, permet une assimilation plus rapide de la nicotine. L'important est d'apporter la dose nécessaire à chacun. En cas de réaction cutanée au patch, on conseille de changer de marque. L'allergie potentielle est causée par la colle du dispositif, pas par la nicotine. Attention à ne pas avaler la salive quand on utilise une gomme sous peine d'avoir mal au ventre. Il faut la mâcher avant de la laisser diffuser contre une joue puis répéter l'opération de l'autre côté de la bouche. La pastille doit aussi circuler dans la bouche, jusqu'à dissolution complète, sans être avalée.
Le vapotage peut-il s'inscrire dans la démarche ?
Absolument, et le pharmacien a tout intérêt à encourager cette pratique chez ceux pour qui le fait d’inhaler une fumée joue un rôle central dans l’addiction. Dans cette logique, le patient en sevrage combine la prise de nicotine médicale et la prise de nicotine « ludique ». Il peut inhaler la vapeur issue du liquide chauffé sans les risques de la combustion. Vapoter sous TNS ne nuit pas au sevrage mais peut, au contraire, contribuer à l’arrêt du tabac.
Le chiffre
3,7 % des élèves de 3e fumaient quotidiennement des cigarettes en 2021 contre 12,3 % en 2014 (source EnCLASS 3è, exploitation OFDT).
Le marché des substituts nicotiniques
11 117 581 boîtes vendues, +10,76 %
169 930 283 euros, +10,67 %
(CMA à novembre 2023 - source IQVIA Pharmastat)
Principaux acteurs du marché
Pierre Fabre Medical Care : 47,4 %
Kenvue : 32,2 %
Haleon : 10,4 %
Perrigo : 5,2 %
Eurogenerics : 4,3 %
(En valeur, CMA à novembre 2023 - source IQVIA Pharmastat)
Le leader à la loupe
Le laboratoire Pierre Fabre soutient toute initiative à l’arrêt du tabac qu’il accompagne par le biais d’outils digitaux (plateforme tabagora.com), dans les cabinets médicaux mais aussi à l’officine, en formant les pharmaciens et en les aidant dans la prise en charge des patients sur le point de vente (brochure, poster…).