Il y 50 ans la Révolution des œillets

Les pharmacies portugaises à la pointe des services de santé

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Publié le 25/04/2024
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Souvent cité comme particulièrement innovant en matière de nouveaux services pharmaceutiques, le Portugal célèbre aujourd’hui les cinquante ans de son retour à la démocratie : le 25 avril 1974, l’armée a renversé, en une journée, la dictature salazariste au pouvoir depuis 1928. Après une période de turbulences, les pharmacies ont connu, comme tout le pays, des évolutions spectaculaires au cours des décennies suivantes.

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Avec la France, le Portugal a été dès 2018 le premier pays européen à expérimenter la vaccination anti grippale à l’officine
Crédit photo : DD

Si la « révolution des œillets » n’a pas modifié radicalement l’organisation pharmaceutique, elle a ouvert la porte à de nombreuses réformes et surtout à l’adhésion à l’Europe, concrétisée en 1986. Professeur de droit, de déontologie et d’histoire pharmaceutiques à la Faculté de pharmacie de Coimbra, le Pr João Rui Pita est un historien de la pharmacie renommé. Pour lui, c’est la « libéralisation partielle » du marché de la pharmacie, en 2007, qui a bouleversé le plus le fonctionnement du réseau. Toute personne a été autorisée à posséder un maximum de 4 officines ce qui, après l’euphorie des rachats effrénés par des non-pharmaciens, a entraîné une vague de faillites et la fermeture de nombreuses pharmacies devenues insolvables ou non rentables.

Inspiration britannique

Aujourd’hui, le marché s’est plutôt stabilisé, et les pharmacies jouent un rôle croissant dans le cadre de leur partenariat avec le Serviço Nacional de Saùde (SNS), le Service National de Santé, créé par les socialistes en 1979 sur le modèle du National Health Service britannique. Le SNS coopère d’ailleurs avec ce dernier dans la mise en place de certains nouveaux services, dont des téléconsultations et des soins de premier recours en ligne.

Même s’il existe des médecins et cliniques privés, la grande majorité des patients portugais est soignée gratuitement par des médecins salariés et les hôpitaux du SNS. Les pharmacies restent, comme outre-Manche, des structures de santé libérales et indépendantes. Elles permettent aux patients d’obtenir un conseil ou un soin officinal, plutôt que de passer par le SNS, et sont rémunérées pour certaines de ces missions.

Renouvellements, soins, prévention…

Avec la France, le Portugal a été dès 2018 le premier pays européen à expérimenter les vaccinations anti grippales à l’officine, avant que le Covid n’élargisse encore le rôle des pharmaciens en matière vaccinale. En outre, les officinaux peuvent maintenant renouveler un grand nombre de prescriptions pour des affections chroniques. Les officinaux proposent aussi des consultations diététiques et de podologie, et pratiquent des actes infirmiers simples, comme le traitement des plaies et les soins aux stomisés, tout en effectuant de nombreux tests dont le VIH et les hépatites B et C. Ils assurent le suivi pharmaceutique des patients diabétiques et hypertendus, y compris le renouvellement d’ordonnances, ainsi que la prévention et le traitement du pied diabétique. Enfin, ils mènent des programmes d’observance thérapeutique, de conciliation et de formation à l’utilisation des dispositifs médicaux.

Sortie hospitalière

À compter du mois de mai, les pharmacies pourront délivrer la quasi-totalité des médicaments hospitaliers à leurs patients soignés ou hospitalisés à domicile. Ce programme de rétrocessions ambulatoires concernera environ 150 000 patients, principalement atteints de cancers, de maladies auto-immunes, du SIDA ou greffés. Au-delà de son intérêt pour les patients, cette mesure est une petite « revanche » pour les officines dont beaucoup avaient failli disparaître en 2006 quand le gouvernement de l’époque avait décidé d’installer les pharmacies… dans les hôpitaux. Un programme « désastreux » qui a toutefois été rapidement interrompu.

« Ce modèle de pharmacie est le plus efficace en Europe », estiment d’ailleurs les Ordres des 4 « Pharmacies latines »

 

Aujourd’hui, les 2 900 officines portugaises emploient 6 000 des 10 000 pharmaciens du pays. Ils sont formés dans les trois grandes facultés du pays, Lisbonne, Coimbra et Porto mais aussi, depuis quelques années, dans plusieurs petites facultés régionales. Les officines restent dirigées par des pharmaciens et ont conservé une répartition homogène. « Ce modèle de pharmacies est le plus efficace en Europe », estiment d’ailleurs les Ordres des 4 « Pharmacies latines », c’est-à-dire les pharmacies françaises, espagnoles, italiennes et portugaises. Ils se sont retrouvés à Porto en mars dernier dans le cadre de leurs rencontres régulières, notamment pour aborder des sujets européens.

Selon l’Ordre portugais, l’ouverture des pharmacies latines vers un grand nombre de nouveaux services et de nouvelles missions montre que leur cadre de fonctionnement est bien adapté aux besoins des patients ; en déchargeant les autres structures de santé de ces tâches, les pharmaciens leur permettent de se recentrer sur leurs missions essentielles et irremplaçables.


Source : Le Quotidien du Pharmacien