La profession connaîtra-t-elle une mobilisation à l’instar de celle qui avait conduit à la fermeture de plus de 90 % des officines en 2014 ? Ces derniers jours, le mouvement porté par des syndicats départementaux fait en tout cas tache d’huile sur l’ensemble du territoire tant les sources de colère sont nombreuses.
Des négociations conventionnelles peu satisfaisantes, des ruptures qui ne diminuent pas, à l’inverse des charges qui ne cessent d’augmenter, ou encore la menace du député Marc Ferracci sur le monopole officinal, sans compter la financiarisation rampante du secteur de la santé… Les pharmaciens ne comptent plus les raisons de leur colère. Récemment, la baisse du prix de l’amoxicilline a été la goutte de trop. « On se fout de nous », résume Grégory Tempremant, président de l’URPS Pharmaciens de Hauts-de-France. À tel point que les pharmaciens du nord ont décidé de rejoindre un mouvement initié par leurs confrères de l’arc méditerranéen.
Cet appel à la grève couvait depuis plusieurs semaines, sinon quelques mois, dans les départements de PACA et d’Occitanie. Il est aujourd’hui formalisé puisque Patrick Raimond, président dans les Bouches-du-Rhône de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), déclare au « Quotidien du pharmacien » que le préavis de grève pour le 30 mai « a été posté ce matin par courrier recommandé ». Il sera suivi par des courriers similaires dans chacun des départements, car insiste-t-il, cette initiative émane « d’une belle unité intersyndicale » qui règne sur l’ensemble des régions PACA, Occitanie et Corse. Il cite les soutiens supplémentaires du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens, du collège des maîtres de stage, des grossistes-répartiteurs, et sans doute des étudiants.
Toujours dépourvu de consignes au niveau national, le mouvement est en passe de s’étendre au Grand Est. De son côté, le Rhône-Alpes envisage, lui aussi, « d’organiser une journée complète de fermeture le 30 mai, avec un service d'astreinte, comme cela a été fait en 2014 », annonce Olivier Rozaire, président du Syndicat des pharmaciens (FSPF) de la Loire. « Nous allons prévenir l’agence régionale de santé et la caisse primaire d’assurance-maladie, le préavis de grève devrait être envoyé dès jeudi 18 avril, confirme Véronique Noury, responsable de la FSPF Rhône-Alpes, après avoir reçu l’aval du président national du syndicat, Philippe Besset. Dans chaque secteur, les syndicats choisiront une pharmacie qui sera réquisitionnée ce jour-là pour assurer une garde, ainsi tout sera prêt le jour J si jamais les négociations n’ont pas abouti et que nous décidons de faire grève », explique-t-elle, ajoutant que tous les départements Rhône-Alpes ont donné leur feu vert. Une communication sera envoyée prochainement à toutes les officines de Rhône-Alpes, document qui sera co-signé par l’USPO et la FSPF. Comme l’observe également Véronique Noury, la situation devient de plus en plus compliquée pour les pharmaciens. « Des pharmacies autour de Lyon ont récemment déposé le bilan, d’autres n’arrivent même plus à acheter des médicaments chers faute de ressources financières… »
La profession qui se déclare « à genoux » a le sentiment de jouer sa dernière carte avant la conclusion des négociations conventionnelles. Elle compte ainsi faire entendre son désarroi : à titre d’exemple, « les Hauts-de-France ont perdu 10 % de leurs officines depuis les dernières élections aux URPS », souligne Grégory Tempremant. Mais surtout, croient les représentants syndicaux, la perspective d’une grève est susceptible de peser sur l’enveloppe que le gouvernement sera prêt à consacrer à la profession pour les quatre prochaines années. Dès le début des négociations conventionnelles, il avait en effet été annoncé que cette enveloppe n’était pas fermée. À travers cette fronde régionale, les représentants des pharmaciens parviendront-ils à convaincre leurs ministères de tutelle ? Olivier Rozaire, en tout cas, estime que « si la plénière se passe mal et que l'on doit réagir, il faut anticiper. Si on attend le 14 mai - date de la plénière - pour décider, nous n'aurons pas le temps de nous organiser en seulement 15 jours ». Le lendemain de la plénière, le conseil d’administration de la FSPF se réunira. C’est à cette occasion que le syndicat décidera ou non de mettre ses menaces de grève à exécution.
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