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Les nouvelles règles du NS avancent masquées

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Publié le 09/06/2020
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Sur les quatre premiers mois de l’année, les nouvelles règles du NS entrées en vigueur au 1er janvier dernier ont permis au marché de mieux résister à la chute économique provoquée par l’épidémie de Covid-19. Des résultats à prendre toutefois avec des pincettes.

Alors qu’il s’établissait à 7,8 % en décembre dernier, le NS a régulièrement chuté pour atteindre 3,3 % en avril.

Alors qu’il s’établissait à 7,8 % en décembre dernier, le NS a régulièrement chuté pour atteindre 3,3 % en avril.
Crédit photo : GARO/PHANIE

Les chiffres présentés par le GERS pour les quatre premiers mois de l’année sont édifiants. Le taux de substitution sur l’ensemble du répertoire génériques a gagné 4 points (voir graphique ci-dessous). Pour Patrick Oscar, délégué général du GIE GERS, cette progression est indéniablement à mettre sur le compte de l’article 66 de la LFSS 2019 qui modifie certaines règles liées au générique et qui est entré en vigueur début 2020. Et David Syr, directeur général adjoint GERS Data, d’ajouter qu’une telle évolution n’avait pas été constatée « depuis la mise en place du tiers payant contre générique » courant 2012. Pour Catherine Bourrienne-Bautista, déléguée générale du GEMME, cela illustre l’implication du pharmacien qui n’a pas faibli « malgré les perturbations dues à l’épidémie de Covid-19 qui ne lui ont pas facilité la tâche ». Un engagement de la profession qui a contribué à la progression du marché générique avant même le confinement.

En janvier, il gagne ainsi 3,1 % en chiffre d’affaires et 1,7 % en unités ; en février, il progresse de 9,7 % en valeur et de 5,5 % en volume. Puis arrive un mois de mars « irréaliste », relève Catherine Bourrienne-Bautista. Du jamais-vu en raison d’un effet de stockage des patients qui craignaient de ne pas obtenir leurs traitements habituels les semaines suivantes. Résultat, les génériques gagnent 25 % en volume par rapport à mars 2019. Fatalement, le mois d’avril accuse le contrecoup : les stocks sont faits, les consultations médicales chutent drastiquement, le trafic officinal également. Le marché des génériques recule alors de 14 % en volume. Au final, les quatre premiers mois de l’année affichent une quasi-stabilité, note Patrick Oscar : -1,7 % en valeur, +0,7 % en volume. Les données pour le mois de mai ne sont pas encore connues, mais la tendance est à la baisse, le déconfinement progressif ayant commencé le 11 mai et la reprise des consultations et du trafic à l’officine étant réelle mais timide.

Baisse spectaculaire du NS

« L’épidémie de Covid-19 et les mesures d’urgence nécessaires mises en place ont un impact fort sur tous les secteurs de l’économie. Il est donc difficile de pouvoir tirer des conclusions et de savoir, dans les données que nous recueillons, ce qui relève de l’article 66 de la LFSS 2019 et ce qui est une conséquence de l’épidémie. Ce contexte particulier va compliquer l’analyse des marchés », remarque Catherine Bourrienne-Bautista. D’autant que les prévisions, plus optimistes pour le mois de juin, seront certainement plus timorées pour juillet et août avec l’effet grandes vacances.

Il n’en reste pas moins un taux de substitution qui semble se stabiliser autour de 84 % environ. Une progression sans doute liée à l’effet positif des nouvelles règles s’appliquant aux médecins dans l’utilisation de la mention non substituable (NS), et au reste à charge pour le patient en cas de préférence non justifiée pour le princeps car le remboursement se fait sur la base du prix du générique. Un phénomène qui n'a pas échappé à l'organisme payeur. Le taux de NS est en baisse de façon « spectaculaire » depuis le début de l’année, se réjouit Nicolas Revel, directeur de l’assurance-maladie, chiffres à l’appui. Alors qu’il s’établissait à 7,8 % en décembre dernier, le NS chute à 5 % en janvier, à 3,8 % en février, à 3,4 % en mars et à 3,3 % en avril.

Deux vagues d’alignement des prix

La menace d’un alignement des prix par les laboratoires des princeps n’est pas écartée pour autant. « Il y a eu deux vagues d’alignements de prix. La première a été publiée au « Journal officiel » mi-janvier, mais l’entrée en application intervient toujours 50 jours après publication, soit dans ce cas, le 5 mars, à la veille du confinement… La seconde est parue au « JO » en mars pour une entrée en vigueur le 9 mai, à la veille du déconfinement. Soit une quarantaine de présentations concernées », précise Catherine Bourrienne-Bautista. On est encore loin des sombres prédictions évoquées par le président du GEMME, Stéphane Joly, l’an dernier, qui s’attendait à un alignement des prix pour « plus de 80 % des princeps génériqués » à terme. Mais la tendance est là, certainement perturbée ces dernières semaines par l’effet Covid, ce qui ne laisse pas d’inquiéter les syndicats.

« Les effets sur le recours au NS et sur le taux de substitution étaient attendus et ne sont pas surprenants, il s’agit là de bonnes nouvelles, mais en trompe-l’œil. Notre crainte d’alignement des prix reste fondée. De premières demandes ont déjà abouti, ce qui va priver le pharmacien d’une partie de ses ressources et ce n’est vraiment pas le moment ; cela remet en question tout l’équilibre du système », déplore Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).

Des comportements archaïques

Même son de cloche du côté de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Selon son président, Gilles Bonnefond, « des laboratoires sont en train de faire un énorme lobbying auprès des médecins. Le pharmacien résiste et le patient aussi car il n’y a pas de raison de revenir au princeps lorsque le patient utilise déjà le générique. C’est tout de même extraordinaire qu’après 15 ans d’obligation de prescription en DCI, qui certes n’a pas toujours bien fonctionné mais qui commençait à s’améliorer grâce à l’informatisation des cabinets médicaux, des laboratoires incitent les médecins à prescrire en nom de marque. C’est choquant, ces laboratoires sont restés dans le monde des fossiles et veulent instrumentaliser les médecins ». Et la tactique semble fonctionner puisque Gilles Bonnefond a eu entre les mains plusieurs ordonnances sur lesquelles le médecin n’hésitait pas à mentionner : « Le patient peut exiger le princeps puisqu’il est au même prix que le générique. » Des ordonnances que le président de l’USPO a transmises à l’assurance-maladie.

Pour lever une partie des inquiétudes, un arrêté est très attendu par les génériqueurs et les pharmaciens. En effet, le gouvernement a accepté d’interdire l’alignement du prix d’un princeps dans les deux ans suivant sa générication. « Cet arrêté est primordial pour préserver le développement de la concurrence lors de l’arrivée des génériques, explique Catherine Bourrienne-Bautista. Nous restons très attentifs aux alignements de prix car ils ont un impact négatif non seulement pour les laboratoires génériques, mais aussi pour les pharmaciens qui subissent un effet de plus en cas de mise sous TFR puisque ces spécialités sortent alors de la ROSP générique. » Or, avec le déconfinement progressif, les projets mis entre parenthèses au plus fort de la crise risquent de revenir à l'ordre du jour. Nicolas Revel s’est voulu rassurant, rappelant qu’il « est de l’intérêt de tous de maintenir la part du générique sur le marché, car il est important d’avoir une diversité d’accès aux molécules et un marché pharmaceutique qui évite les situations monopolistiques ». Mais la vigilance reste de mise chez les syndicats de pharmaciens et les génériqueurs.

Mélanie Mazière

Source : Le Quotidien du Pharmacien