Une envie subite d’un jouet sexuel mais l’idée d’entrer dans un sex-shop fait retomber la libido ? Pas de panique, en Italie, les rayons « santé sexuelle » ont désormais leur place en pharmacie au même titre que les antibiotiques.
Depuis plus d’une dizaine d’années en effet, les pharmaciens peuvent vendre des sex-toys comme les boules de geisha, les vibromasseurs, les anneaux de plaisir ou encore les lubrifiants comestibles à la fraise. Les prix sont abordables, entre 15 et 25 euros et la qualité, garantie, affirme le Dr Luca Mariano Pagano, titulaire d’une officine située derrière le Colisée. « Nos produits sont tous testés pour garantir la sécurité des consommateurs qui se sentent par ailleurs plus en confiance », affirme ce pharmacien. En confiance, le mot est lâché. « Dans un sex-shop, on ne sait jamais très bien où a été fabriqué le produit et puis le fait de s’adresser à un professionnel de santé permet aussi aux clients de demander un conseil, d’expliquer la situation, de s’ouvrir, ce qu’ils ne feraient pas aussi facilement avec un simple commerçant », confie le Dr Mariano Pagano. Au départ, les clients ont été étonnés de voir que les pharmacies s’étaient lancées dans le marché de la sexualité ajoute ce pharmacien car parler de leur intimité ne rentrait pas dans leurs habitudes. Et puis, au fil du temps, les sex-toys ont été dédouanés, les médecins ayant commencé à discuter avec leurs patients. Ils leur ont expliqué que les jouets sexuels peuvent certes améliorer leurs relations avec leurs partenaires mais qu’ils ont aussi une autre utilité. « Les boules de geisha, par exemple, peuvent servir à étirer les muscles du plancher pelvien, les petits vibromasseurs assouplissent les parois vaginales, aujourd’hui, les sex-toys ne représentent plus un tabou ou l’image de la perversité, ils sont aussi devenus des instruments thérapeutiques et rassurants qui font partie de la vie quotidienne », analyse ce pharmacien.
Glaces et hamburgers
De l’autre côté des Alpes, les pharmaciens ont quasiment la possibilité de tout vendre car les licences d’exploitations ne sont pas restrictives. « Nous pourrions même vendre par exemple du jambon mais à condition de respecter les normes sur la sécurité alimentaire », relève le Dr Mariano Pagano. Certaines officines proposent ainsi du pain à la découpe, des pâtisseries, des glaces et même de la bière. Mais sans gluten. D’autres, des aliments pour animaux de compagnie, comme la pharmacie internationale Barberini située dans le centre de Rome. D’autres officines vont encore plus loin et se sont lancées dans les détersifs et les soutiens-gorge. Les jouets pour enfants, comme les ours en peluche ou encore les puzzles, trônent sur les étalages à côté des palettes de maquillage et des déodorants. Dans ce contexte totalement décontracté d’un point de vue commercial, la pharmacie italienne évoque inévitablement, le modèle américain où les officines vendent même des hamburgers.
Les pharmacies sont frappées de plein fouet par la crise comme les restaurants et les cinémas, sans la diversification, survivre serait compliqué
Dr Luca Mariano Pagano
À la différence qu’en Italie, note le Dr Mariano Pagano, les officines ont toujours eu la possibilité de diversifier leurs activités grâce au système de la licence « multicartes » délivrée aux titulaires. Mais à condition de rester dans un cadre de santé, c’est-à-dire en respectant les normes et en vendant des dispositifs ou des produits médicalement certifiés. Mais au final, cette liberté commerciale ne risque-t-elle pas de faciliter les dérives et de transformer les pharmacies en de gigantesques drugstores ? Pour le Dr Alessandra Debernardis, la diversification est au contraire un « plus », désormais incontournable mais qu’il faut savoir exploiter et, surtout, valoriser. « Les pharmaciens sont devenus des entrepreneurs qui doivent se fixer des objectifs, organiser et programmer leurs activités et surtout, tenir compte des nouveaux besoins d’une clientèle de plus en plus exigeante notamment sur le plan commercial ».
Redresser les flux
Un rapport publié en début d’année par la Fédération nationale des titulaires des officines italiennes, Federfarma, affirme qu’à l’échelle nationale, environ 4 millions d’Italiens franchissent chaque jour les portes des 20 000 pharmacies réparties sur l’ensemble du territoire. Mais ce taux de fréquentation relativement élevé ne se traduit pas automatiquement par une augmentation du chiffre d’affaires des titulaires d’officine. Car si la profession a été nettement revalorisée depuis la pandémie avec les nouvelles normes qui élargissent les compétences des pharmaciens, les Italiens touchés par des difficultés économiques croissantes sont attentifs à leurs dépenses. « Les pharmacies sont frappées de plein fouet par la crise comme les restaurants et les cinémas, sans la diversification, survivre serait compliqué », murmure le Dr Luca Mariano Pagano.
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