Une expérience menée auprès d’étudiants fait apparaître que, à symptômes identiques, une mort subite sera diagnostiquée chez l’homme, tandis qu’un simple malaise vagal sera suspecté chez la femme. Cette criante disparité, soulignée par Alice de Maximy, fondatrice du collectif « La santé des femmes »*, traduit à quel point notre société est pétrie de biais quand il s’agit d’appréhender la douleur des femmes.
Ces mêmes inégalités sont également ressenties par les premières intéressées dans la prise en compte de leur douleur pourtant plus fréquente que chez les hommes. Selon un sondage Ipsos mené en partenariat avec le Laboratoire Sanofi auprès de 500 femmes, 35 % des femmes subissent des douleurs chroniques régulières, contre 28 % des hommes, 58 % des femmes ressentent des douleurs arthrosiques (39 %) et deux fois plus de femmes sont victimes de migraines chroniques (46 %) que les hommes. Sans compter qu’une femme sur dix souffre d’endométriose et que 25 % ont des règles douloureuses chroniques.
Pourquoi dans ce cas tant de déni autour de ce phénomène ? Les femmes elles-mêmes participent à cette tabouisation de leurs douleurs et de leurs problèmes hormonaux. Ne sont-elles pas 80 % à affirmer mieux tolérer la douleur que les hommes ? « L’acceptation de la souffrance se transmet de mère en fille », constate Caroline Bastide, directrice de Service line communautés et panel. Sans doute s’agit-il également d’une résignation face à un corps médical encore trop souvent hermétique à cette question. Toujours selon le même sondage, 32 % des femmes considèrent ne pas avoir été bien écoutées. S’ensuivent des errances médicales – dix à vingt ans parfois pour un diagnostic d’endométriose - et souvent même des traitements inadaptés. À symptôme égal, on prescrira un antalgique à un homme, tandis qu’une femme se verra conseiller un tranquillisant, poursuit Caroline Bastide.
Le premier traitement est l'écoute
Afin de répondre à ces inégalités d’accès à la prise en charge de la douleur et aux spécificités des douleurs chez la femme, le Pr Pierre Mares, chirurgien gynécologue du service de la douleur chez la femme à l’hôpital Foch (Paris), cite l’exemple de la plateforme de prise en charge des douleurs pelviennes et d’un réseau public privé. « Il faut diffuser ces centres et multiplier ces consultations spécifiques. » Cela vaut tout particulièrement pour la prise en charge des pathologies du périnée (prolapsus, sécheresse vaginale, incontinence et dyspareunie) survenant chez 30 % des femmes ménopausées, mais aussi chez 85 % des femmes – tous âges confondus - ayant suivi une chimiothérapie.
Autre pathologie insuffisamment prise en charge, la fibromyalgie. Le Pr David Le Breton, sociologie et d'anthropologie à l'université de Strasbourg, insiste sur la nécessité de l’accompagner de manière globale, et pas uniquement médicale. « Ayant vécu une vie fracturée, subi de la maltraitance, des abus sexuels, ces femmes ont édifié une citadelle qu’elles voient s’effondrer à la moitié de leur vie. La douleur est alors un moyen d’étayer, un moyen d’être au monde en grande détresse. » Et le Pr Mares de conseiller en écho « la première prise en charge de la douleur n’est pas le traitement par les médicaments, le premier traitement de la douleur, c’est de croire la femme ! »
D'après une conférence de l'Association française de lutte antirhumatismale (AFLAR) « Douleur de la femme, une inégalité face à la douleur ».
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