Pour sa défense, cet officinal, installé au centre-ville de Strasbourg estime « s’être lui-même fait avoir » par des escrocs et avoir fait preuve de naïveté. Entre 2013 et 2017, il a honoré des ordonnances rédigées en cyrillique, dont de grandes quantités de Cytotec (Misoprostol), interdit en Ukraine en raison de ses effets abortifs. Selon le compte rendu d’audience publié par les « Dernières Nouvelles d’Alsace », les ordonnances étaient déposées « par deux coursiers ukrainiens qui repartaient ensuite avec les colis de médicaments rangés dans le coffre de leurs grosses berlines ».
Le pharmacien affirme avoir été induit en erreur par des faux sites internet présentant cette clinique pourtant imaginaire, ainsi que par la représentante de cette dernière, qui l’aurait mis en confiance avec des documents falsifiés. Pour l’Ordre des pharmaciens au contraire, le prévenu a agi par appât du gain et non par légèreté. De plus, a ajouté le Procureur, il était payé en liquide et les ordonnances qu’il honorait étaient « des faux grossiers qui ne l’ont pas alerté ». En outre, il n’était pas habilité à exporter des médicaments ni à procéder à des livraisons en gros, et n’enregistrait ni les noms des médecins prescripteurs, ni ceux des patients, contrairement aux obligations liées à la traçabilité. Ces ventes lui ont rapporté 148 000 euros, une somme minime par rapport au chiffre d’affaires de sa pharmacie à l’époque.
Déjà plusieurs fois sanctionné
Le pharmacien avait déjà été plusieurs fois sanctionné et interdit d’exercice par l’Ordre, mais aussi condamné en 2002 pour escroquerie, faux et usage de faux. De plus, parallèlement à ses ventes en Ukraine, il avait renoué avec les abus de facturation et les fraudes à la Sécurité Sociale, écopant pour cela d’une nouvelle interdiction d’exercice en 2018, qui l’avait amené à revendre son officine. Bien évidemment, ce palmarès n’a pas facilité sa défense lors de son passage devant le tribunal correctionnel.
Commentant ce jugement, le président du Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens du Grand Est, Christian Barth, juge la condamnation « logique et à la hauteur des faits reprochés ». Il souligne en particulier que le pharmacien ne pouvait ignorer l’usage détourné du Cytotec, même si ce dernier a assuré à l’audience qu’il n’était pas au courant du mésusage de cet antiulcéreux. M. Barth estime « triste que le pharmacien ait persévéré dans de telles activités malgré ses condamnations précédentes, et rappelle que ces comportements portent atteinte à l’image de toute la profession ».
Outre les peines de détention et d’interdiction d’exercer, il a été condamné à 20 000 euros d’amende délictuelle et devra verser 5 000 euros à l’Ordre au titre du préjudice moral.
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