L’analyse démographique de l’Ordre des pharmaciens compare le panorama 2021 avec l’année précédente et offre un suivi sur les dix dernières années. Ainsi, l’effectif global des pharmaciens inscrit à l’Ordre est-il stable au 1er janvier 2022 par rapport à l’an dernier (+0,3 %) mais en progression comparé à 2011 (+2,8 %).
Comme souvent, les moyennes cachent les disparités. L’officine, représentée par les sections A (titulaires), D (adjoints et gérants) et E en partie (tout exercice outre-mer), rassemble à elle seule près de 75 % des effectifs. Alors que la section A poursuit sa contraction liée à la restructuration du réseau officinal (-1,3 % versus 2020, -9,2 % versus 2011), les pharmaciens de la section D enregistrent la plus forte progression en valeur absolue (+457 nouveaux inscrits) en un an. Selon l’Ordre, cela s’explique par une nouveauté, à savoir l’inscription obligatoire des pharmaciens vaccinateurs en centre de vaccination Covid, ainsi que par le « souhait de certains pharmaciens de reprendre une activité officinale dans le cadre de la crise sanitaire ».
Près d'un titulaire sur quatre a plus de 60 ans
Au total, 53 975 pharmaciens exercent en officine, dont 52 511 en métropole où 25 189 sont titulaires et 27 322 adjoints ou gérants (effectif au plus haut depuis 10 ans). La profession, tout exercice confondu, est fortement féminisée (67,6 %), en particulier dans les sections D (80 %) et H (établissements de santé, médico-sociaux et services d’incendie et de secours ; 74 %). Quant à l’âge moyen des pharmaciens, il est de 49,8 ans pour les titulaires et de 44,4 ans pour les adjoints et gérants. L’Ordre remarque un vieillissement de la section A : « En 2011, seuls 13 % des pharmaciens titulaires d’officine avaient 60 ans ou plus, alors qu’ils étaient 23 % en 2021, soit une progression moyenne de 1 point par an. » Une évolution à mettre en miroir avec le vieillissement de la population française, dont 27 % ont plus de 60 ans selon les estimations de l’INSEE en 2021 (versus 23 % en 2010), et qui s’explique aussi par l’allongement des carrières. Néanmoins, relève encore l’Ordre, le moment de la titularisation semble désormais se faire plus tôt, ce qui « laisse entrevoir une activité vers plus d’exercice coordonné ».
Dans ce contexte, la transition démographique est-elle assurée ? Sera-t-elle en mesure de préserver à terme l'intégrité du maillage officinal ? Certes, le réseau officinal continue à diminuer en douceur (-1,1 % en un an, -8 % en 10 ans) pour s’établir à 20 318 pharmacies en métropole (et 623 dans les outre-mer). Pour autant, la France peut encore se targuer de compter parmi les pays européens les mieux lotis. Certes, le ratio de 35 pharmacies pour 100 000 habitants est retombé dix ans plus tard à 31 pour 100 000 mais il place encore l’Hexagone en pole position avec 3 230 habitants pour une officine contre 4 122 en moyenne en Europe*.
La pharmacie française ne fait pas seulement figure d'exception parmi ses paires européennes. Elle détient également une position singulière dans le paysage sanitaire français. Comme le souligne l’Ordre des pharmaciens, les confrères sont au rang des professionnels de santé les mieux répartis sur le territoire national et « leur accessibilité est plus homogène par comparaison avec d’autres services de santé ». De fait, le maillage reste harmonieux avec plus d’un tiers des officines installées dans des communes de moins de 5 000 habitants. Cette proximité – la distance de la pharmacie la plus proche est de 3,8 kilomètres en moyenne – permet de sauvegarder un accès aux soins équitable sur le territoire.
À moins qu'elle ne fasse les frais à moyen terme de l’inégale répartition des professionnels de santé, principalement des prescripteurs. Ainsi, des disparités importantes apparaissent entre les régions. Tandis que l’Île-de-France, l’Auvergne-Rhône-Alpes et la Nouvelle-Aquitaine concentrent à elles seules 39 % du nombre total d’officines métropolitaines, quatre départements (l’Ain, l’Eure, l’Eure-et-Loir et la Mayenne) ne détiennent plus que 28,7 pharmacies pour 100 000 habitants. Ce sont également des départements qui comptent la plus faible densité de médecins généralistes. Par conséquent, le réseau officinal pourrait subir le contrecoup de la désertification médicale, devenue aujourd’hui son talon d’Achille.
Un équilibre fragile
Certes, le réseau n’a pas pâti, jusqu’à présent, de la perte de 7,9 % de ses effectifs en dix ans, soit 1 740 officines, dont 220 pour la seule année 2021. L’Ordre se veut rassurant : « Les fermetures se poursuivent mais ne mettent pas forcément en péril le maillage officinal. » Mais pour combien de temps encore ? La restructuration opérée au cours des dernières années par voie de regroupements semble marquer le pas. De fait, les regroupements constituaient 14,5 % des modes de fermetures en 2021, contre 23,6 % un an auparavant. Pendant ce temps, les fermetures d’officines qualifiées de « contraintes » (restitution simple de licence sans repreneur et liquidation judiciaire pure et simple) gagnent du terrain et représentent désormais 65,5 % des modes de fermetures en 2021, contre 54,3 % en 2020. L’impact sur les territoires n’est pas négligeable. Car si 3 % de communes font en effet encore état d’une densité plus importante que le quota démographique légal (une officine pour 2 500 habitants, puis par tranche de 4 500), 4 000 communes, environ, se situent désormais en dessous de ce seuil et 16 % ne disposent plus que d’une seule pharmacie.
Ces signes de vulnérabilité sont d’autant plus à prendre en considération qu’en termes de fermetures d’officines des écarts se creusent entre les régions. En 2021, la Bourgogne Franche-Comté subit cinq fermetures pour 100 000 habitants pendant que les Hauts-de-France limitent la casse à 2 fermetures pour 100 000 habitants. Afin de maintenir son fragile équilibre, le réseau officinal doit donc miser sur la relève. Or elle se jouera à la fois sur l’attractivité des territoires et sur celle des conditions d’exercice.
Aujourd’hui, les jeunes plébiscitent l’exploitation en sociétés, en témoigne le nombre des structures en association qui a littéralement explosé (+ 55 %) entre 2008 et 2021. Un contexte qui pourrait séduire les futurs diplômés. Ils seront du reste plus nombreux que leurs aînés. Car, suppression du numerus clausus oblige, il faut s’attendre sur la période 2021-2025 à une augmentation de 7,7 % du nombre d’étudiants formés par rapport aux années universitaires 2016-2021. Sur cette période, indique l’Ordre, les numerus clausus cumulés atteignaient un total de 15 850 étudiants.
* Données 2021 PGEU.
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