« Le pharmacien portera toujours la responsabilité de l’analyse, du conseil et de la délivrance »

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Publié le 14/03/2024
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Installé à Truchtersheim, près de Strasbourg (Bas-Rhin), Xavier Schneider a toujours fait évoluer son officine au rythme des progrès et des développements numériques : pionnier et enthousiaste, il fait évidemment partie des premiers pharmaciens à exploiter concrètement les avantages de l'intelligence artificielle (IA).

Crédit photo : DDB

Le Quotidien du pharmacien.- quels sont les domaines dans lesquels l'IA s'imposera le plus rapidement dans l'exercice officinal ?

Xavier Schneider.- L'intelligence artificielle est déjà présente dans le back-office, mais nettement moins au comptoir et dans la relation patient. Aujourd'hui, certains logiciels de gestion, à l'image de l'Autopilote de Winpharma ou Digital4Win, font déjà appel à l'IA pour accélérer et simplifier des tâches comme les commandes ou le planning. Le module « apprend » en quelques semaines à les gérer comme le ferait le pharmacien, en fonction des paramètres que ce dernier lui fournit, car l’IA applique et reproduit ce qu'on lui inculque mais ne « crée » rien elle-même. On peut gagner ainsi deux à trois heures par jour et par pharmacie. Bientôt, l’IA permettra de mieux prévenir les ruptures de stock, car elle connectera directement les stocks des officines avec les stocks des grossistes et des fournisseurs et saura anticiper les besoins et les disponibilités.

Au comptoir, peut-on imaginer qu'une intelligence artificielle prenne la place du pharmacien ou du préparateur ?

L'IA pourra compléter le conseil, mais ni le précéder ni interférer au moment de l'échange avec le patient, ce qui serait problématique sur le plan du raisonnement et de la confidentialité. Le pharmacien portera toujours la responsabilité de l’analyse, du conseil et de la délivrance. L’IA l'aidera à s'assurer qu'il n'a rien oublié lors d'un entretien ou d'un bilan, mais il est prématuré de penser aller plus loin pour le moment. En outre, elle pèche encore par ses « hallucinations » et fournit parfois des informations totalement fausses et absurdes.

Globalement, où en sont les pharmaciens avec l'intelligence artificielle ?

Les pharmaciens sont comme la majorité des Français, « ni vraiment en avance, ni totalement en retard » face à l'IA dont tous en ont entendu parler mais dont seuls quelques-uns l'ont déjà testée. Peu de consœurs et de confrères savent vraiment de quoi il s'agit et comment en tirer avantage en pratique quotidienne. Nous aurons aussi des efforts à faire côté patient : il n'est déjà pas simple de discuter avec un patient sûr de son fait après avoir lu une information en ligne, alors imaginez quand il « confondra » les informations réelles et celles générées par l'IA !

Nous serons indispensables pour aider les patients à se retrouver dans un flux d'informations et d'affirmations encore plus important qu'actuellement. Enfin, si l'IA peut étoffer et/ou confirmer une analyse ou un conseil, elle ne sera pas de grand secours lorsque le patient abordera un sujet difficile ou intime avec son pharmacien, que ce sujet soit heureux, comme la naissance, ou tragique comme la maladie grave et la mort, car l'IA, contrairement à nous, n'a ni âme ni conscience.

Propos recueillis par Denis Durand de Bousingen

Source : Le Quotidien du Pharmacien