L'Allemagne est officiellement passée à l'ordonnance électronique le 1er janvier dernier, un transfert qui s'est fait sans difficultés notables selon le ministère de la santé, mais qui a été entravé par de nombreux couacs selon les pharmaciens. Ces derniers, prêts depuis plus d'un an, estiment que les médecins ont été insuffisamment préparés, au même titre que les patients.
Les médecins sont tenus de remettre une ordonnance électronique à tous leurs patients, lesquels peuvent choisir la manière de la recevoir : le prescripteur peut la télécharger dans leur carte d'assuré ou sur leur téléphone grâce à une application, mais peut aussi leur remettre un document imprimé complété par un QR code qui sera scanné à la pharmacie. Pour le moment, l'application n'est quasiment pas utilisée, d'autant qu'elle accumule les pannes depuis son lancement. Près de 80 % patients privilégient le chargement de leur carte d'assuré et les 20 % restants, souvent les plus âgés, le document imprimé à scanner.
Au-delà de ses aspects techniques et de ses avantages, notamment en termes de sécurité, de suivi et de renouvellement des prescriptions, l'ordonnance électronique représentait un vrai défi pour les officines en raison de la volonté affichée par les pharmacies en ligne de « capter » les ordonnances dès leur rédaction par le médecin. Les officinaux ont longtemps bataillé pour prévenir ce risque, finalement écarté après le rappel d'un principe absolu : l'ordonnance électronique est la propriété du patient qui la fait honorer dans la pharmacie de son choix, physique ou virtuelle. S'il choisit une pharmacie en ligne, il la scanne lui-même sur le site de cette dernière, comme il peut d'ailleurs le faire aussi sur la page de son officine habituelle si elle propose ce service.
Des bugs pour 20 % des ordonnances
Les plateformes, qui misent énormément sur l'ordonnance électronique pour développer enfin leurs ventes de prescriptions, ont dû accepter à contrecœur d'être « mises à égalité » avec les officines. Elles tablent néanmoins sur une forte progression de leurs ventes, d'autant qu'elles ont subi de plein fouet les reports de la mise en place de cette ordonnance, prévue en 2022, mais repoussée suite à des failles de confidentialité détectées quelques mois avant le lancement.
Selon des sondages menés notamment par l'Ordre des pharmaciens de Rhénanie du Nord, près d'une ordonnance sur cinq prescriptions présentées entre le 2 et le 11 janvier dans les pharmacies était incomplète, mal rédigée ou sans signature électronique du médecin, ce qui a parfois occasionné de longues attentes pour les patients, le temps que la pharmacie régularise la situation. Quelques médecins avaient même commencé à faire payer 50 centimes aux patients désireux d'avoir une ordonnance imprimée, une pratique illégale que les autorités ont vite fait cesser. Par ailleurs, certaines officines ont subi des pannes informatiques, aggravant ou empêchant les transmissions. Enfin, les pharmaciens, comme les médecins, doivent souvent expliquer en termes simples aux patients le pourquoi et le comment des ordonnances électroniques, et déplorent que les caisses d’assurance-maladie n'aient pas suffisamment fait ce travail pédagogique en amont.