Le Quotidien du Pharmacien.- Comment le regard sur la médecine esthétique a-t-il changé ?
Pr David Le Breton.- Lors de la première vague de diffusion de la chirurgie esthétique, où l’objectif était surtout de rectifier l’impact de l’âge, les quelques célébrités qui y recouraient (principalement des femmes de plus de 40 ans) devenaient la risée de tous. D’autant que certains visages tels que celui de Roger Moore, qui avait perdu une certaine mobilité, ont marqué. Ainsi, je me souviens d’un article du Nouvel Observateur qui décrivait encore dans les années 1980 les patientes qui cédaient à la chirurgie esthétique comme les victimes complexées de médecins ambigus. Mais cette vision péjorative s’est dissipée dans les années 1990 : la médecine esthétique apparaît désormais valorisée, y recourir compte parmi ce qu’il est loisible de faire pour se sentir mieux dans sa peau. Un nombre grandissant de personnes (toujours majoritairement des femmes) de plus en plus jeunes sautent le pas.
Pourquoi ce virage ?
Les années 1990 s’accompagnent d’une individualisation importante du lien social, ce qui a changé le rapport au corps, devenu dès lors une matière sur laquelle agir selon ses désirs : le maîtriser, c’est contrôler son existence. D’où aussi l’émergence du tatouage et du piercing, la croissance de la consommation de cosmétiques, la diffusion des régimes amincissants, ou encore le succès, chez les hommes, du culturisme. En fait, le corps est devenu la matière première de la fabrique du soi, dont la médecine esthétique compte parmi les principaux instruments. Et avec l’avènement des réseaux sociaux, l’individualisme continue de progresser, jusqu’à une société hyperindividualiste, encore davantage centrée sur l’apparence et marquée par l’exigence de se mettre au monde soi-même, s’inventer, ne pas rester soumis à sa morphologie.
L’enjeu est-il de suivre des normes de beauté ?
Dans une société hyperindividualiste, il n’y a plus réellement de norme : chacun établit les siennes. Cela étant dit, l’image des filles de magazine à corps svelte et petit nez perdure, et des adolescentes croient qu’elles ne seront jamais aimées si elles n’ont pas un visage et une coiffure dans ce qu’elles imaginent être les normes de la séduction. Ainsi, le recours à la médecine esthétique peut rester motivé par la volonté de ressembler à certaines personnes ou groupes ou, au contraire, s’écarter d’une ressemblance, notamment avec des proches ou, dans certains pays, des entités ethniques stigmatisées. Notons que certaines tendances au départ considérées comme des effets de mode durent, montrant qu’elles relèvent de phénomènes de culture, comme l’engouement pour les lèvres charnues, héritées de la pornographie.
*Editions Métailié
Dispensation du médicament
Tramadol et codéine sur ordonnance sécurisée : mesure reportée !
Formation continue
Transmission automatique des actions de DPC : les démarches à faire avant le 30 novembre
Relocalisation industrielle
Gel des prix sur le paracétamol pendant 2 ans : pourquoi, pour qui ?
Salon des maires
Trois axes d’action pour lutter contre les violences à l’officine