DASRI professionnels

La fin de l’exception pour les pharmaciens passe mal

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Publié le 15/09/2022
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Seul professionnel de santé libéral à ne pas organiser et financer la collecte et le traitement des déchets de soins qu’il produit, le pharmacien d’officine a été mis au pied du mur le 1er septembre. Les mesures exceptionnelles mises en place depuis l’expérimentation de la vaccination antigrippale en 2017, renforcées durant la crise du Covid-19, sont levées. Mais un sentiment d’injustice demeure alors que les confrères s’impliquent depuis des années pour faciliter la vie des patients en autotraitement, via la distribution de boîtes à aiguilles et leur récupération et stockage dans leurs locaux une fois remplies.
Les volumes de DASRI collectés en officine pour l’année 2021 ont augmenté de 60 % par rapport à 2020

Les volumes de DASRI collectés en officine pour l’année 2021 ont augmenté de 60 % par rapport à 2020
Crédit photo : D. D.

Le 31 août, l’éco-organisme DASTRI envoyait un message aux officinaux, leur proposant un échange virtuel en direct le soir même pour répondre à toutes leurs questions concernant les déchets d’activité de soins à risque infectieux (DASRI) qu’ils produisent et dont ils doivent désormais organiser et financer la collecte et le traitement. Car jusqu’alors le pharmacien a été exempté de cette obligation réglementaire qui incombe à tous les professionnels de santé producteurs de DASRI dans le cadre de leurs activités de soins. Ce n’est que récemment que le pharmacien est devenu producteur de DASRI, d’abord avec la vaccination antigrippale mise en place sous forme d’expérimentation en 2017 avant d’être généralisée en 2019, puis avec son implication dans la lutte contre le Covid-19, à la fois par la réalisation des tests antigéniques et par l’administration des vaccins. S’y ajoutent, de façon encore marginale, les TROD que les pharmaciens peuvent effectuer (angine, grippe, diabète).

Or, depuis 2017 les DASRI produits par les pharmaciens ont été collectés et traités par l’éco-organisme DASTRI, dont le champ d’action est pourtant exclusivement limité aux DASRI produits par les patients. « Les pharmaciens ont bénéficié d’un accompagnement particulier par DASTRI pour la vaccination grippe et par le ministère de la Santé pour la vaccination et les tests Covid », souligne Laurence Bouret, déléguée générale de DASTRI. Et d’ajouter que cela fait « cinq ans que nous échangeons chaque année pour trouver une solution gagnant-gagnant » et qu’il avait été précédemment annoncé que l’entrée dans le droit commun de la gestion des DASRI professionnels pour les officines se ferait au 1er janvier 2022. « Mais une semaine avant Noël, le gouvernement a demandé à DASTRI de continuer l’accompagnement des pharmaciens jusqu’au 31 août 2022. Nous avons continué à chercher des solutions avec les représentants des pharmaciens jusqu’au bout. »

Explosion des volumes de DASRI

Or pour l’éco-organisme, la période Covid a été synonyme d’une explosion des volumes collectés. « Le ministère nous avait annoncé 26 millions de tests entre le 1er janvier et le 31 août 2022, or ce sont 23 millions de tests qui ont été réalisés pour le seul mois de janvier », rappelle Laurence Bouret. De même les volumes de DASRI collectés en officine pour l’année 2021 ont augmenté de 60 % par rapport à 2020 : 1 298 tonnes versus 809 tonnes. Les déchets Covid représentent à eux seuls un tiers du total.

Mais de l’avis des syndicats, les propositions de DASTRI ne sont pas satisfaisantes à ce stade. Au point pour la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) de dénoncer à titre conservatoire la convention-cadre signée avec DASTRI le 1er janvier 2017 pour la gestion des déchets des patients en autotraitement. L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) doit encore obtenir l’avis de son conseil d’administration pour trancher mais, indique son président, Pierre-Olivier Variot, « on ne dénoncera pas la convention avec DASTRI à titre conservatoire : soit on dénonce la convention, soit on ne la dénonce pas ».

Afin de répondre à la demande de pharmacies qui souhaitent continuer à travailler avec DASTRI à la fois pour les DASRI patients et les DASRI professionnels, l’éco-organisme a annoncé la mise en place d’une offre réservée aux officines à un tarif lissé de 150 euros HT par an pour une collecte trimestrielle, soit quatre passages par an, quels que soit la taille de la pharmacie, son volume de DASRI professionnels et sa situation géographique. Libre au pharmacien de choisir un autre opérateur s’il le souhaite, dès lors que celui-ci est bien référencé par son agence régionale de santé (ARS). L’avantage en choisissant la solution DASTRI est que le pharmacien n’aura pas à différencier les flux entre les DASRI des patients et les siens. Avec un autre prestataire, il sera équipé de boîtes qui lui seront spécifiques tandis que le flux des DASRI patients sera toujours géré par DASTRI. « Le but est de simplifier et optimiser les flux tout en diminuant l’emprise au sol », précise Laurence Bouret.

Durée de stockage augmentée

Toujours est-il, remarque le président de l’USPO, que les confrères sont « bouillants » d’indignation et que le tarif annoncé par DASTRI est beaucoup trop élevé. « Quand le ministère finançait la collecte et le traitement des DASRI des pharmaciens, cela lui coûtait 180 000 euros par an pour moins de 20 000 officines. » De son côté, la FSPF estime que le tarif annoncé « n’est pas déraisonnable » et correspond au « prix du marché ». Si son président, Philippe Besset, ne trouve pas anormal que le pharmacien finance le traitement de ses DASRI comme le font les autres libéraux de santé, il prévient cependant qu’il n’est plus question que les confrères stockent les DASRI des patients gratuitement et compte bien demander une rémunération de 150 euros par an pour cette mission.

Pour la déléguée générale de DASTRI, il n'en est pas question : « C’est une obligation réglementaire prévue au Code de la santé publique, tant sur la distribution des boîtes aux patients que sur la collecte de ces boîtes une fois remplies, et cela sans frais. » Réponse de Philippe Besset : l’obligation réglementaire n’impose pas la gratuité quant au stockage. D’autant que selon une enquête menée par l’USPO auprès de ses adhérents en octobre 2018, la gestion des DASRI patients occuperait en moyenne 2m² par officine pour une valeur estimée entre 100 et 200 euros par an. Et Pierre-Olivier Variot de souligner que DASTRI, qui collectait les DASRI patients tous les trois mois, peut désormais pousser jusqu’à six mois, soit une durée de stockage augmentée pour les confrères. « Soit on se met d’accord sur un tarif de location de l’espace de stockage, soit on pose les boîtes sur le trottoir à disposition des patients. »

À quelques semaines du lancement de la campagne de vaccination contre la grippe, « cette échéance semble particulièrement inappropriée pour changer un système parfaitement organisé », signale Pierre-Olivier Variot, qui appelle les confrères à continuer les tests et les vaccinations pour « ne pas pénaliser les patients ». Les syndicats n’ont pas l’intention de désarmer et la FSPF s’interroge sur une possible mise en concurrence entre éco-organismes alors que l’agrément de DASTRI court jusqu’au 31 décembre prochain. Bien que les confrères soient tenus de gérer leurs DASRI professionnels depuis le 1er septembre, Philippe Besset leur recommande, s’ils le peuvent, d’attendre le résultat des négociations en cours avant de s’engager auprès de l’opérateur de leur choix, afin de « bénéficier de conditions tarifaires plus avantageuses ».

 

Mélanie Mazière

Source : Le Quotidien du Pharmacien