Un infirmier libéral de 49 ans devait récemment répondre devant le tribunal correctionnel de Tulle d’abus de confiance et d’usage de faux face à un officinal du bassin tulliste qu’il aurait escroqué. Sur fond de lutte contre les déserts médicaux, l'infirmier se serait engagé envers le pharmacien à faire venir sur sa commune des médecins généralistes pour occuper la maison de santé municipale. Hélas sans résultat, mais en facturant au passage ses frais et interventions à hauteur de 93 300 euros.
Le prévenu a souligné qu’il n’était pas astreint à une obligation de résultat, mais « qu’il avait fait son travail, et qu’il était difficile de trouver des praticiens voulant exercer sur ce territoire », tout en reconnaissant avoir encaissé plusieurs chèques. Si l’avocat du pharmacien, Me Virgile Renaudie, du barreau de Brive, n’hésite pas à dénoncer des faits délictueux, parlant d’un véritable abus de confiance caractérisé, la Cour a quant à elle retenu des « manœuvres frauduleuses », réclamant 10 mois de prison avec sursis, mise à l’épreuve de deux ans et interdiction d’exercer de cinq. Le jugement a été mis en délibéré au 6 novembre.
Des précautions à prendre
Au-delà des faits, on peut s’interroger, comme les juges eux-mêmes, sur un certain nombre de points. Comment un infirmier libéral peut-il être missionné pour de telles recherches, et sur quelles bases peut-il établir ses factures ? Comment un professionnel de santé comme le plaignant peut-il se laisser ainsi berner à plusieurs reprises (les règlements ont été échelonnés sur plusieurs mois) avant de réagir ? Quelles étaient les obligations des deux parties, et sur la base de quels contrats étaient-elles précisées ?
« Cette affaire nous laisse tous dubitatifs, déclare Olivier Marquet, pharmacien à Tulle, et président du syndicat départemental. Curieusement, nous n’arrivons pas, malgré nos recherches, à trouver le nom de notre confrère, qui est resté dans le secret total ; nous savons juste qu’il exerce dans une commune du secteur. Mais en dehors de l’anecdote, je rappellerai que, dans ce genre de démarche, il vaut mieux être à plusieurs, s’entourer de garanties, s’associer avec d’autres professionnels locaux. C’est bien de chercher des médecins, mais encore faut-il savoir à qui s’adresser… Et un syndicat peut parfois être bon conseiller… »
Pour les 104 officinaux corréziens (dont 60 % sont syndiqués) l’alerte est ainsi donnée, mais il y a peu de chances que l’histoire se répète, du moins sur le département. Elle aura au moins eu le mérite de rappeler la réalité d’un terrain sur lequel les soignants deviennent, hélas, plus rares que les opportunistes.
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