Ces chiffres ne feront sans doute pas taire définitivement la polémique soulevée début septembre au sujet des « faux numéro de Sécurité sociale ». Mais le bilan publié par l’assurance-maladie sur ses actions de lutte menées contre les fraudes (LCF) en 2018 remet les pendules à l’heure. Sur les 261,2 millions d’euros de fraudes (1) détectées ou stoppées en 2018, le gros du préjudice financier (49,3 %) est représenté par les fraudes aux prestations en nature, dont 95,8 % sont le fait des professionnels de santé et de services (fournisseurs et transporteurs).
Sur ces 123,4 millions d’euros soutirés frauduleusement à l’assurance-maladie au titre des soins de ville, la fraude caractérisée revient pour un montant de 94,5 millions d’euros aux « offreurs de soins », (professions médicales, paramédicales, pharmacies d’officine et laboratoires d’analyse). Dans 58 % des cas, l’application des nomenclatures est en cause, dans 21 % des cas, la facturation d’actes fictifs. Des procédés en recrudescence parmi les infirmiers (+ 13,5 %, à 35,4 millions d’euros) et les kinésithérapeutes (+ 21 %, à 6,3 millions d’euros). Les fraudes opérées par les pharmaciens sont en recul de 15,8 %, à 12,3 millions d’euros.
Parmi les 572 dossiers instruits à charge des pharmaciens (2), les faits les plus fréquemment reprochés visent la facturation d’actes non conformes ou déjà inclus dans un forfait. Ces irrégularités ont motivé un quart des actions de l'assurance-maladie contre la profession. Les fraudes à la prescription représentent quant à elles 18 % des préjudices en fréquence mais constituent le premier préjudice financier (3,22 millions d’euros). Autre grief des services de la LCF contre les officinaux : les falsifications, surcharges et contrefaçon de factures (2,85 millions d’euros) ainsi que les prestations fictives, facturations multiples notamment, qui se chiffrent à près de 2 millions d’euros.
Datamining et profilage
En revanche, dans le registre des abus et trafics de médicaments, sur les 507 acteurs épinglés par les services de l’assurance-maladie, un seul pharmacien isolé était impliqué contre 478 assurés. Sur les 572 fraudes et activités fautives relevées dans la profession au cours de l’année 2018, 515 ont fait l’objet d’indus notifiés pour un montant de 6,6 millions d’euros. Soit 7,63 % des 71, 37 millions récupérés à ce titre par l’assurance-maladie auprès des professionnels de santé, fournisseurs, établissements de santé, assurés et employeurs. Deux transactions ont été signées avec des pharmaciens pour un montant de 125 000 euros. Enfin, 28 dossiers se sont soldés par des pénalités financières à hauteur de 238 686 euros.
Ces chiffres, comme l’ensemble des statistiques du bilan 2018, réservent leur part d’ombre. Il reste ainsi difficile d’estimer l’ampleur réelle de la fraude non détectée, comme le remarque Nicolas Revel qui se refuse cependant à toute projection. Du reste, si au cours des cinq dernières années, le préjudice accumulé atteint 1,2 milliard d’euros, contre 744,4 millions d’euros pour les cinq années antérieures, l’assurance-maladie veut voir dans ces résultats le fruit d’une amélioration de ses méthodes plutôt qu’une intensification des pratiques frauduleuses.
Outre le déploiement d’un travail en réseau et la professionnalisation de ses équipes, l’assurance-maladie recourt à de nouvelles techniques pour mener ses investigations. Après une expérimentation en 2018 portant sur la fraude à l’obtention des droits, un nouveau modèle de datamining « par apprentissage supervisé » sera mis en œuvre en 2019-2020 et visera la fraude aux dispositifs médicaux. Enfin, l’assurance-maladie utilise un « profileur » pour « relever les atypies d’activité et de facturation chez les professionnels de santé », comme le décrit le Dr Catherine Bismuth, directrice de l’audit, du contrôle contentieux et de la lutte contre la fraude, précisant que « certaines situations anormales ne pourraient être détectées avec des croisements de données classiques ». Dans les radars du big data et de l’intelligence artificielle, les fraudeurs (assurés comme professionnels de santé) auront, à l'avenir, de plus en plus de difficultés à passer au travers des mailles du filet de l’assurance-maladie.
(1) Montant des préjudices détectés et stoppés dont 55,9 millions d’euros de préjudices évités (+ 27 % entre 2017 et 2018).
(2) Données locorégionales à l'initiative du réseau.
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