DIALOGUE
PAR SA DÉCISION n° 2014-257 QPC du 20 mars 2015, le Conseil constitutionnel a estimé que la composition des instances disciplinaires des pharmaciens n’était pas conforme à la Constitution, car des représentants de l’État étaient présents lors des délibérés, avec voix consultative (sans pouvoir de décision toutefois) (« Le Quotidien » du 26 mars).
Quelle est la procédure ?
Un pharmacien a été sanctionné : il s’est vu interdire définitivement d’exercer sa profession. Cette décision, prise par une chambre de discipline du conseil central de l’Ordre des pharmaciens, a été contestée devant l’instance disciplinaire d’appel (la chambre de discipline du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens). Lors de cette dernière procédure, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a été présentée et rejetée.
La QPC permet de contester la constitutionnalité d’une loi qui est applicable à un litige. Un requérant peut, au cours d’un litige, présenter une QPC, et ce, à n’importe quel stade de la procédure. Le juge examine la question et la transmet au Conseil d’État. Le Conseil d’État la transmet à son tour au Conseil constitutionnel à trois conditions : la disposition législative critiquée est applicable au litige, elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la constitution par le Conseil constitutionnel et elle est nouvelle ou présente un caractère sérieux. Si le Conseil constitutionnel reconnaît le caractère inconstitutionnel de la loi déféré à son contrôle, il abroge celle-ci et l’affaire est renvoyée aux juges pour qu’ils puissent statuer sur l’affaire qui leur était originairement soumise.
Concernant notre affaire du pharmacien sanctionné, la QPC a été présentée devant le Conseil d’État, qui est le juge ultime en cas de sanction disciplinaire prise à l’encontre d’un pharmacien (juge de cassation des juridictions administratives spécialisées). Le Conseil d’État, jugeant que les trois conditions susmentionnées étaient remplies, a décidé de renvoyer la QPC au Conseil constitutionnel (arrêt du 30 décembre 2014, n° 382830).
Quel est le débat juridique ?
La composition du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens était contestée. L’article L. 4231-4 du code de la santé publique prévoit sa composition. Le débat porte sur la présence du « directeur général de la santé ou du pharmacien inspecteur de santé publique qu’il désigne à cet effet représentant le ministre chargé de la santé » (2°) et d’un « pharmacien du service de santé représentant le ministre chargé de l’outre-mer » (3°). Il est également précisé que « Les pharmaciens fonctionnaires représentant le ministre chargé de la santé et le ministre chargé de l’outre-mer assistent à toutes les délibérations avec voix consultative » (alinéa 13).
Cela signifie donc que, au sein de la chambre de discipline du Conseil national de l’ordre des pharmaciens, siègent des membres en qualité de représentants de ministres. Dès lors, le code de la santé publique est susceptible de porter atteinte au principe d’indépendance des juridictions garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. En effet, l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Il en découle un principe d’indépendance et d’impartialité des juridictions.
Il faut également rappeler que, sous la pression de la Cour européenne des droits de l’homme (par exemple, Cour EDH, 7 juin 2001, Kress c. France, requête n° 39594/98), les juridictions administratives de droit commun (tribunaux administratifs, cour administrative d’appel et Conseil d’État) ont été obligées de modifier leurs procédures, afin d’offrir de meilleures garanties d’impartialité. Ces valeurs ont donc pu, déjà, entraîner d’importantes réformes procédurales.
Sans surprise, le Conseil constitutionnel estime que le texte contesté est bien contraire à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il se situe ainsi dans la continuité de sa jurisprudence : il a déjà eu l’occasion d’indiquer que la présence de fonctionnaires, désignés par un ministre, dans des juridictions administratives spécialisées, était contraire à la Constitution (CC, 8 juin 2012, n° 2012-250 QPC).
Quelles sont les conséquences ?
Le Conseil constitutionnel arrive à la conclusion que les 2°, 3° et 13e alinéas de l’article L. 4231-4 du code de la santé publique sont inconstitutionnels et il les abroge, c’est-à-dire que ces dispositions sont annulées pour l’avenir. L’affaire est renvoyée devant le Conseil d’État, qui n’aura pas d’autre possibilité que d’annuler la procédure suivie à l’encontre du pharmacien, ainsi que la sanction qui a été décidée par les instances disciplinaires.
Précisons enfin que le Conseil constitutionnel a estimé qu’une abrogation a effet immédiat aurait des conséquences trop néfastes (« manifestement excessives »). Il a donc décidé de différer dans le temps les effets de cette abrogation : les dispositions ne seront supprimées qu’au 1er janvier 2016, afin de permettre au législateur de modifier entre-temps l’article L. 4231-4 du code de la santé publique. Néanmoins, afin de faire cesser l’inconstitutionnalité, « les représentants de l’État ne siégeront plus au conseil national de l’ordre des pharmaciens statuant en formation disciplinaire », jusqu’au 31 décembre 2015. Enfin, seuls ceux qui ont déjà invoqué cette inconstitutionnalité, contre une décision qui n’est pas encore définitive, peuvent se prévaloir de cette décision.
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