C’EST L’HISTOIRE d’un combat qui remonte à 2004. À Saint-Cyr- sur-Loire (Indre-et-Loire), un pharmacien est autorisé à transférer son officine dans un centre commercial, de l’autre côté de cette ville de 16 000 habitants. Le transfert ne paraît pas justifié aux yeux de ses confrères. Le centre commercial est implanté dans une zone industrielle et artisanale, sans population résidente. Les pharmaciens se mobilisent pour faire abroger ce transfert. Ils constituent un collectif regroupant six officines et font un recours hiérarchique. De son côté, le conseil régional de l’Ordre des pharmaciens du Centre saisit le tribunal administratif d’Orléans. L’abrogation de la nouvelle licence est quasi immédiate. Dans son arrêté, le préfet reconnaît que le contenu du dossier ne permet pas d’apprécier si les conditions justifiant un transfert d’officine sont remplies, au regard du code de la santé publique (article L.5125-3).
Qu’à cela ne tienne. Quelques mois plus tard, la préfecture donne son feu vert à une nouvelle demande de transfert. Mais, de nouveau saisi, le tribunal administratif d’Orléans annule la licence. Raison invoquée : le centre commercial se situe en périphérie de la ville, sur un emplacement adapté pour desservir une population de passage, mais pas une population résidente. Il est rappelé que la zone visée par le transfert est industrielle et commerciale, donc peu peuplée. Outre des bureaux, elle comprend une zone classée naturelle… Saisie, la cour administrative d’appel de Nantes n’en tient pas compte et infirme ce jugement. Elle commet une erreur de droit en ne tenant pas compte des pharmacies existantes. Et en particulier celles qui se trouvent en limite administrative du quartier, sur les communes voisines.
Jurisprudence.
L’affaire est alors portée en Conseil d’État par le collectif de pharmaciens. La haute juridiction annule l’arrêt de la cour administrative d’appel, considérant « la desserte de la population du quartier par une autre officine, quand bien même celle-ci se trouverait sur le territoire d’une autre commune ». L’affaire est ensuite renvoyée devant la cour d’appel pour être à nouveau jugée au fond. Le verdict tombe le 29 décembre dernier. Il confirme l’annulation du transfert. Celui-ci aurait bien eu lieu dans une zone très faiblement peuplée et dont la population n’est pas appelée à augmenter. Les autres quartiers revendiqués par le pharmacien sont déjà suffisamment desservis. Pour la cour d’appel, il n’est pas établi que les besoins en médicaments de la population ne seraient pas assurés de manière satisfaisante par les officines préexistantes. L’affaire pourrait s’arrêter là, mais le candidat au transfert persiste et signe. En début d’année, il renouvelle sa demande. Et une nouvelle fois, le préfet lui donne son accord. Des faits nouveaux portant sur la population sont avancés. « Mais la population de la zone n’a augmenté que d’une cinquantaine de personnes en dix ans », argumente Michel Bignand, coordinateur du collectif des pharmaciens. Il dénonce « un acharnement suspect du préfet à ne pas vouloir appliquer la loi ». Et regrette le temps où l’inspection de la pharmacie, et non la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS), était consultée dans les dossiers de licences. Le collectif de pharmaciens ne compte pas céder et entame un nouveau recours, cette fois auprès du ministère de la Santé, qui doit trancher, d’ici à la mi-avril, dans cette affaire devenue exemplaire.
D’ores et déjà, l’avis du Conseil d’État a fait jurisprudence, notamment pour une affaire similaire
en région Rhône-Alpes, à la fin de l’année dernière. Les transferts en centre commercial donnent lieu actuellement à de nombreuses demandes. « Nous irons jusqu’au bout de notre démarche, qui est complexe et coûteuse, car nous savons que nous avons raison », affirme Michel Bignand. La défense de la loi de répartition des officines est à ce prix.
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