AVIS DE TEMPÊTE sur l’Ordre des pharmaciens. La commission européenne vient de condamner l’instance française pour restrictions à la concurrence sur le marché des analyses médicales. Le montant de l’amende est colossal : 5 millions d’euros. « C’est énorme », s’indigne la présidente du Conseil national de l’Ordre, Isabelle Adenot, qui se dit scandalisée par la portée et le montant de la sanction. En effet, celle-ci ne représente pas moins de 20 % du budget annuel de l’instance et l’intégralité du budget alloué chaque année aux conseils régionaux. Autant dire que si la condamnation était appliquée en l’état, l’Ordre national pourrait bien être mis à mal. Mais nous n’en sommes pas là. Car, pour l’heure, Isabelle Adenot indique n’avoir pas reçu officiellement cette décision, seulement en a-t-elle été informée via un communiqué. « Dès réception de la décision, nos avocats se rapprocheront de la commission européenne », explique la présidente, qui a d’ores et déjà réuni toutes les instances de gouvernance de l’Ordre des pharmaciens. Quoi qu’il en soit, « nous envisageons fortement de former un recours en annulation devant le tribunal de l’Union européenne », annonce-t-elle. Toutefois, celui-ci ne devrait pas être suspensif.
Procédés contraires.
Mais quels sont les faits reprochés à l’instance nationale ? Avoir imposé des prix minimums sur le marché français des analyses de biologie médicale et avoir entravé le développement de groupes de laboratoires sur ce marché, indique la commission européenne dans son communiqué. Deux procédés qu’elle juge en contradiction avec le droit européen (voir ci-dessous). « L’Ordre national des pharmaciens est un ordre professionnel chargé de veiller au respect des devoirs professionnels des pharmaciens en France, argumente la commission. Le comportement incriminé a lésé les patients et l’État qui ont payé plus pour les analyses médicales que si la concurrence avait joué et s’était développée. » Et l’instance européenne ordonne à l’Ordre d’y mettre fin immédiatement.
Son vice-président chargé de la politique de la concurrence, Joaquin Almunia, détaille la décision : « Une association qui représente et défend des intérêts privés ne peut pas se substituer à l’État pour édicter ses propres règles, en limitant la concurrence par les prix là où l’État avait entendu la maintenir et entravant le développement d’entreprises sur le marché au-delà de ce qui est prévu par la loi. » « En tant qu’association d’entreprises, l’Ordre national des pharmaciens et ses membres sont tenus, comme tous les acteurs de la vie économique, au respect du droit européen », ajoute-t-il.
Faux motifs.
L’Ordre national des pharmaciens réfute catégoriquement les reproches formulés à son encontre et estime même que cette décision remet en cause sa mission de service public.
« L’Ordre a toujours veillé à préserver l’intérêt de la santé publique, souligne Isabelle Adenot. Je ne peux laisser dire que l’Ordre a lésé les patients et l’État français. » La présidente du conseil national déplore que Bruxelles n’ait retenu qu’une seule des missions ordinales pour construire son jugement, oubliant celles relatives à la défense de l’honneur et de l’indépendance de la profession, et celle concernant le contrôle de l’accès à l’exercice professionnel. Elle rejette l’accusation d’entrave au développement d’entreprises associées à des groupes de laboratoires : « Cela a déjà été jugé par les tribunaux français qui, à trois reprises, ont confirmé les orientations prises par notre instance au sujet de la propriété des parts sociales ». Elle ajoute : « Sur les 800 pièces examinées par la commission après l’inspection de nos locaux, aucune ne faisait mention d’un avis défavorable émis par l’Ordre. » Quant au grief de tarifs imposés, « à qui la commission peut-elle faire croire que les prix sont fixés par l’Ordre, alors qu’ils sont, comme chacun sait, déterminés par l’assurance-maladie », s’emporte Isabelle Adenot.
« L’Ordre a fait et continuera à faire son travail et à appliquer la loi, assure la présidente du conseil national. S’il existe des traités européens relatifs à la libre concurrence, d’autres concernent aussi la sécurité des patients. La santé n’est pas un secteur comme les autres et a d’ailleurs été écartée de la directive "services". » On le voit, l’Ordre des pharmaciens a encore des arguments à faire valoir. À suivre.
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