Face aux prix français qu’ils jugent excessifs, les éleveurs réclament le droit d’acheter les médicaments vétérinaires prescrits pour leurs bêtes dans d’autres pays de l’Union européenne. « Les laboratoires imposent des prix trop élevés et les vétérinaires refusent le jeu de la concurrence en monopolisant le marché au détriment de l’ayant droit principal du médicament, à savoir le pharmacien. Résultat, des éleveurs bravent le droit français mais le droit communautaire leur est favorable », explique Daniel Roques, président de l’Association des utilisateurs et distributeurs de l’agrochimie européenne (AUDACE).
L’homme est connu pour avoir fait évoluer la législation sur les produits phytopharmaceutiques et s’être battu en faveur des agriculteurs depuis 1981. C’est ainsi qu’en 2001, on le sollicite pour mener un combat similaire en faveur des médicaments vétérinaires lors d’un procès au pénal qui a finalement vu la relaxe des 105 éleveurs bretons incriminés. « Ce dossier est identique à celui des produits phytopharmaceutiques, il s’agit d’une impossibilité d’assurer la libre circulation des médicaments vétérinaires par une réglementation nationale défaillante et avérée en manquement au droit communautaire. Les solutions sont donc les mêmes : plainte contre la France devant la Commission européenne, défense des éleveurs ayant acquis des médicaments vétérinaires dans d’autres États membres et succès judiciaires contre les attaques de l’administration, du Conseil de l’Ordre des vétérinaires et de l’industrie du médicament vétérinaire. »
Nouvelle audience
Sommée par la Commission européenne de légiférer, la France signe un décret le 27 mai 2005, autorisant les importations parallèles de médicaments vétérinaires par les distributeurs en gros. Pour AUDACE, ce décret ne sert à rien puisque ces acteurs n’ont aucun intérêt à cette pratique. Saisi, le Conseil d’État lui donne partiellement raison en décembre 2006, tout en excluant les éleveurs, les vétérinaires et les pharmaciens des importateurs autorisés. AUDACE porte plainte auprès de la Commission européenne qui décide de classer l’affaire sans suite début 2010. Même si le médiateur européen lui donne raison et contraint la Commission européenne à s’engager à rouvrir sa plainte, les ennuis commencent. « Depuis 2005, les affaires d’importations parallèles réalisées par des éleveurs n’étaient pas instruites, la justice attendait la décision de l’Europe. En 2010, toutes les procédures resurgissent et AUDACE est mise en examen pour avoir défendu les actes des éleveurs, ce qui les aurait incités à enfreindre le droit français. » En 2014, les éleveurs sont condamnés à une amende de 1 000 euros avec sursis, l’association écope d’une amende de 140 000 euros. Il fait appel de la décision devant la cour d’appel de Pau qui, en janvier 2015, sursoit à statuer et renvoie trois questions préjudicielles à la cour de justice de l’Union européenne. Cette dernière ne répondra qu’à la première le 27 octobre 2016 : oui, une réglementation nationale qui exclut les éleveurs de la possibilité de réaliser des importations parallèles de médicaments vétérinaires est contraire au droit européen. Notifiée de l’arrêt de la Cour de Bruxelles, la Cour d’appel de Pau doit convoquer une nouvelle audience avec AUDACE, les éleveurs et les parties civiles. Daniel Roques espère qu’un arrêt infirmera le jugement initial au printemps prochain.
Le combat ne sera pas terminé, les textes étant très contraignants (autorisation d’importation, frais, obligations de pharmacovigilance, réétiquetage) et non adaptés aux professionnels que sont les éleveurs. Pour AUDACE, il faut aussi que les vétérinaires et surtout les pharmaciens soient autorisés à réaliser ces importations parallèles. Cela apporterait une véritable concurrence sur le marché français et redonnerait la main aux pharmaciens sur le médicament vétérinaire. « Le premier pharmacien qui se lancera aura peut-être chaud aux plumes, mais je suis prêt à le défendre, comme j’ai défendu les agriculteurs et les éleveurs. Les importations parallèles ne représentent qu’une petite part de marché pour les produits phytopharmaceutiques, mais elles introduisent de la concurrence dans un marché monopolisé, obligeant les acteurs à se montrer plus compétitifs. C’est le but poursuivi pour les médicaments vétérinaires. »
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