I- OBJET DU CONTENTIEUX ET SANCTIONS ENCOURUES
Il s’agit d’un contentieux disciplinaire visant à sanctionner les fautes, abus, fraudes et tous faits intéressant l'exercice de la profession, relevés à l'encontre des pharmaciens titulaires d’officine, des pharmaciens mutualistes, des pharmaciens salariés, des pharmaciens biologistes et des pharmaciens exerçant dans les établissements de soins (CSS, art. L. 145-1, L. 145-5-1 et R. 145-1).
Il convient de souligner que cette procédure « vise la recherche et le redressement de tout abus professionnel commis au préjudice de la Sécurité sociale ou des assurés sociaux », comme l’a précisé le Conseil constitutionnel par décision en date du 17 janvier 2013 (1). Quelques fautes commises ne suffiront donc pas à qualifier un comportement abusif. C’est bien la démonstration d’un abus professionnel qui doit être apportée par le Service médical et la CPAM.
Cet abus professionnel se caractérise par le caractère répétitif des anomalies retenues, et le caractère intentionnel.
La preuve du caractère répétitif et intentionnel des anomalies doit être rapportée, faute de quoi les anomalies ponctuelles ne sauraient donner lieu à prononcé d’une sanction (2).
Les sanctions susceptibles d’être prononcées sont :
- l’avertissement,
- le blâme avec ou sans publication,
- l’interdiction temporaire ou permanente, avec ou sans sursis, du droit de donner des soins aux assurés sociaux avec publication,
Dans le cas d'abus des prix de vente des médicaments et des produits de santé ou des prix des examens de biologie médicale, les sections des assurances sociales du conseil régional, des conseils centraux des sections D, G et H et du conseil national peuvent également ordonner le remboursement du trop-perçu à l'assuré ou le reversement aux organismes de Sécurité sociale du trop remboursé même si elles ne prononcent aucune des sanctions prévues ci-dessus.
Cumul avec d’autres sanctions : à l’occasion des mêmes faits, un principe de non-cumul des sanctions prononcées par les chambres de discipline et les sections des assurances sociales des conseils de l’Ordre des pharmaciens s’applique. Une plainte est déposée devant la section des assurances sociales du Conseil régional de la section A ou des Conseils centraux des sections D, G, H et E de l’Ordre, selon le cas. Il s’agit d’une juridiction, dont il est essentiel de connaître la composition très particulière (3) :
- un président, membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel
- un nombre égal d'assesseurs membres de l'ordre des pharmaciens et d'assesseurs représentant des organismes de Sécurité sociale, dont au moins un praticien conseil. Il y a quatre assesseurs médecins et leurs suppléants qui sont nommés.
CONSEIL PRATIQUE : La composition de cette juridiction impose une certaine diplomatie quant aux observations responsives qui pourraient être apportées en réponse à la plainte : deux des assesseurs proviennent en effet des organismes de Sécurité sociale, et le cas échéant des médecins-conseils.
Il s’agit enfin d’une procédure contradictoire et écrite, les parties pouvant être assistées ou représentées.
CONSEILS PRATIQUES : Il est inutile de s’attarder dans l’argumentaire, sur les conditions dans lesquelles l’enquête préalable a été menée. En effet, contrairement à l’action en récupération de l’indu, les conditions et le respect des règles de l’enquête préalable diligentée par l’organisme social à l’origine de la plainte, sont sans influence sur la procédure suivie devant la section des assurances sociales.
II- DÉROULEMENT DE LA PROCÉDURE
a- Saisine de la juridiction et instruction de la plainte
La section des assurances sociales du Conseil de l’ordre des pharmaciens est saisie par lettre recommandée avec accusé de réception, adressé au secrétariat de la section. Les personnes et organismes habilités à saisir la section des assurances sociales sont limitativement énumérés. Il s'agit :
- des organismes d'assurance maladie ;
- les syndicats de pharmaciens ;
- des caisses de mutualité sociale agricole ou les autres organismes assureurs ;
- les Conseils régionaux de la section A ou les Conseils centraux des sections D, G, E et H de l’Ordre des pharmaciens.
- des directeurs généraux des agences régionales de santé ;
- le médecin-conseil national, les médecins-conseils régionaux, médecins-conseils chefs de service du contrôle médical.
Il faut savoir que la saisine doit impérativement intervenir dans un délai de trois ans à compter de la date des faits (4), à peine d’irrecevabilité (délai de prescription).
À compter de la saisine de la Section des assurances sociales, un rapporteur est désigné, lequel a plusieurs missions :
- entendre les parties, recueillir tous témoignages et procéder à toutes constatations utiles à la manifestation de la vérité,
- demander aux parties toutes pièces ou documents utiles à la solution du litige,
- entendre, le cas échéant, tous témoins, un procès-verbal d’audition devant être dressé à chaque fois.
- rédiger à l’issue de l’instruction un rapport.
Le secrétariat de la section des assurances sociales adresse au pharmacien concerné, par lettre RAR, la copie de la plainte et des mémoires dont elle est saisie, et l’invite à produire un mémoire ou ses observations en défense dans le délai fixé par le rapporteur. S’agissant d’une procédure contradictoire, les plaintes, mémoires et pièces produits doivent être déposés au secrétariat de la section des assurances sociales en nombre égal à celui des autres parties en cause, augmenté de deux. Le secrétariat assure la communication des écritures et pièces entre les parties, en assortissant cette communication d’un délai pour y répliquer. Une expertise ou une enquête peuvent être ordonnées, comme en procédure administrative. Si la section des assurances sociales du Conseil de l’Ordre ne s’est pas prononcée dans le délai d’un an à compter de la réception de la plainte, la section des assurances du conseil national de l’Ordre des pharmaciens peut, à l’expiration de ce délai, être saisie par les requérants.
b- Audience
L’audience est publique, sauf exception tenant notamment au respect de la vie privée. Les parties sont convoquées à l’audience par lettre RAR.
Les parties ont la faculté de choisir un défenseur :
- les pharmaciens par un confrère inscrit au tableau et muni d’un mandat régulier de représentation ou par un avocat,
- le conseil national, départemental ou régional par un membre titulaire ou suppléant de son conseil ou par un avocat,
- les organismes de Sécurité sociale par leur représentant légal, un de ses administrateurs, employés ou même un employé d’un autre organisme de Sécurité sociale, par un avocat ou par un pharmacien conseil
- les syndicats par leur représentant légal ou par un avocat, ou même un membre de la profession muni d’un mandat régulier.
III- LES VOIES DE RECOURS
a- l’appel
Toutes les décisions rendues en première instance par les différentes sections des assurances sociales peuvent faire l'objet d'un appel (5). L’appel est formé devant la section des assurances sociales du conseil national de l’ordre des pharmaciens. Le délai d’appel est de 2 mois à compter de la notification du jugement. L’appel a un effet suspensif, conformément aux dispositions de l’article R 145-58 du CSS : l’éventuelle peine prononcée en première instance ne sera donc applicable ni dans le délai pour formaliser appel (2 mois), ni durant l’instance d’appel.
Peuvent faire appel des jugements rendus par la section des assurances sociales :
- les parties intéressées, et notamment le pharmacien conseil qui aurait saisi la section des assurances sociales d’une plainte,
- les organismes d'assurance maladie,
- les directeurs généraux des agences régionales de santé,
- le ministre chargé de la Sécurité sociale.
Cet appel présente deux particularités à connaître :
- lorsque la juridiction du second degré n'a été saisie que de l'appel formé par le médecin, elle ne peut légalement prononcer contre ce praticien ou auxiliaire médical une sanction plus grave que celle décidée par la juridiction de première instance (6).
- Le recours incident, en l'absence de disposition législative ou réglementaire le prévoyant, n'est pas recevable devant les juridictions du contentieux du contrôle technique, et vaut pour l’ensemble des parties (7).
Par exemple, une caisse primaire d'assurance maladie qui a demandé, à l'appui de sa plainte devant la juridiction de première instance, qu'un praticien soit condamné à rembourser aux assurés sociaux un trop-perçu d'honoraires, mais qui n'a pas usé, dans les délais prévus, de la voie d'appel contre la décision rendue par celle-ci, n'est pas recevable à présenter hors délai devant la section des assurances sociales du conseil national de l'Ordre les mêmes conclusions à titre de recours incident (8). De même, si un appel est seulement formalisé par l’organisme de sécurité sociale, la section des assurances sociales d’appel ne pourra prononcer une peine moins lourde que celle prononcée en première instance.
CONSEIL PRATIQUE : dans l’hypothèse où une peine que vous estimez minime a été prononcée contre vous, il est vivement conseillé de formaliser appel à titre conservatoire. Si à l’expiration du délai de deux mois, l’organisme de sécurité sociale n’a pas formé appel lui-même, vous aurez tout loisir de vous désister le cas échéant.
L'appel doit être déposé ou adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au secrétariat de la section des assurances sociales du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens. L’appel ne contenant l’exposé d’aucun moyen ne peut être régularisé par le dépôt d’un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu’à l’expiration de ce délai de deux mois (9). La sanction est très lourde puisque c’est l’irrecevabilité de l’appel qui est encourue. L’appel a un effet dévolutif, ce qui signifie que l’entier litige de première instance sera soumis à nouveau à la section des assurances sociales d’appel.
Dans la limite des conclusions et moyens dont elle est saisie, il sera donc statué sur :
- l’ensemble des éléments du litige et sur tous les griefs soulevés dans la plainte initiale, même si la juridiction de première instance ne les a pas retenus (10)
- des griefs qui n'ont pas été dénoncés dans la plainte (11) ou qui ont été écartés par les premiers juges, à la condition d'avoir mis l'intéressé en mesure de présenter utilement sa défense sur ces griefs.
- des griefs invoqués pour la première fois en appel, à condition que le praticien ait été mis en mesure de produire ses observations sur ces faits nouvellement invoqués et non prescrits [12].
b- Le pourvoi en cassation
Les décisions rendues par la section des assurances sociales du Conseil national de l’ordre des pharmaciens ne sont susceptibles de recours que devant le Conseil d’État, par la voie du recours en cassation (ministère d’avocat obligatoire et délai de deux mois).
(1) CC, décision n° 2012-289 QPC, 17 janvier 2013
(2) CE, 6 nov. 1991, n° 88294 : JurisData n° 1991-047662 ; Bull. ordre méd. 1992, p. 224 ; CE, 12 mai 2004, n° 250185 ; CE, 30 janv. 1987 – Cons. ordre médecins, sect. ass. soc., 10 janv. 1991 : Jurisprudence professionnelle des médecins, op. cit., t. II, p. 150, n° 488 ; CE, 30 janv. 2002, n° 203328 ; Cons. ordre médecins, sect. ass. soc., 27 sept. 1995 : Jurisprudence professionnelle des médecins, op. cit., t. III, p. 168, n° 312.
(3) CSS, art. L. 145-6 et R. 145-4 à R. 145-6
(4) R 145-22 du CSS
(5) CSS, art. L. 145-1, L. 145-5-1 et R. 145-1
(6) CE, 19 févr. 1964, n° 59193 : Rec. CE 1964, p. 117
(7) CE, 5 mars 2003, n° 221643, jugeant ce principe non contraire à la Convention européenne des droits de l’homme
(8) CE, 27 mars 1996, n° 131592
(9) art. R. 145-59 du CSS
(10) CE, 30 janv. 1953, n° 8533 : Rec. CE 1953, p. 46
(11) CE, 29 janv. 1997, n° 155012 : RJS 1997, n° 475
(12) Cons. ordre médecins, sect. ass. soc., 7 oct. 1993 : Bull. ordre méd. 1994, p. 210
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