LA COUR de justice européenne n’a donc pas suivi les réquisitions de son avocat général qui, en février, avait estimé que les incitations des médecins à prescrire moins cher pouvaient violer l’article 94 de la directive 2001/83/CE qui interdit le versement de primes à tout prescripteur de médicaments (voir « le Quotidien » du 1er mars 2010). En 2006, l’association britannique de l’industrie pharmaceutique (ABPI) avait invoqué cet article pour porter plainte contre une antenne régionale du National health, le service de santé national britannique, qui incitait les médecins à modifier leurs prescriptions de statines au profit des molécules les moins chères, en leur octroyant des primes pour cela. L’affaire était allée jusqu’à la plus haute juridiction du pays, la Haute Cour, laquelle avait demandé à la Cour européenne de se prononcer, avant de statuer sur le cas. La CJE limite désormais la portée de ce fameux article 94, en légitimant les primes et autres bonus, mais uniquement s’ils émanent des autorités de santé et de Sécurité sociale. Elle estime, en effet, que ces primes n’ont pas d’objectif lucratif ou commercial, mais visent à réduire les dépenses de santé, et concernent donc l’organisation des soins. De plus, ces incitations, validées par les autorités sanitaires, répondent pour cette raison à toutes les règles de sécurité et de qualité des soins exigées dans ce domaine.
Objectif sanitaire.
En outre, et l’on retrouve ici la fameuse idée qui sous-tend déjà plusieurs arrêts de la Cour en matière de santé, l’organisation des soins est clairement du ressort des États, à qui il appartient donc de prendre les mesures les mieux adaptées à son amélioration. Comme l’ont d’ailleurs souligné les représentants de plusieurs gouvernements, dont la France, pendant l’instruction du dossier, les incitations financières sont destinées à « garantir l’accès pour tous à une quantité suffisante de médicaments à un prix raisonnable », objectif sanitaire qui prime donc les considérations économiques.
Cet arrêt, outre qu’il valide la politique du NHS, légitime aussi les autres mesures comparables prises dans d’autres pays. En France, le système des CAPI, certes différent du système britannique, aurait pu, à terme, être menacé par une requête basée sur la jurisprudence dans l’affaire de l’ABPI, si celle-ci avait abouti. En outre, il valide de la même manière les incitations financières versées aux pharmaciens dans certains pays pour délivrer un médicament plutôt qu’un autre, et qui auraient pu là aussi être remises en cause par la justice européenne. Néanmoins, la Cour rappelle aux États qu’ils doivent toujours justifier ces incitations par des critères objectifs, et « qu’aucune discrimination ne doit être opérée entre les médicaments nationaux et ceux provenant d’un autre État membre ».
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